+ Quelle est ta région d'origine ? Y es-tu encore ?
Comme bien des enfants issus de parents Feu, j'ai grandi sur les terres désertiques de Sezni. Terre est un bien grand mot. Si vous n'avez jamais foulé le sol aride de cette contrée, vous ne loupez pas grand chose. L'air y est sulfureux, étouffant. C'est pourquoi mon enfance s'est écoulée dans l'ouest, là ou les volcans abritent des grottes immenses, qui communiquent entre elles. J'ai dû partir, après la Cérémonie. Ma place n'était plus parmi le peuple du feu, si toutefois elle l'eut été un jour.
Vainui est désormais mon lieu de résidence, plus particulièrement le village de Brynjolf
+ Parle-moi de ta famille, et de ton lien avec elle.
Je ne me suis jamais vraiment entendu avec mon père. C'est différent pour ma mère, principalement en raison du lien qui peut unir une femme à son fils, je suppose. Proche d'eux, je ne l'était pas. Je n'ai plus de contact avec mes parents, et je ne m'en porte pas plus mal, ce qui est sûrement réciproque. L'issue de la Cérémonie leur aurait certainement déplu, quand bien même ils doivent avoir acté le fait que je ne sois pas touché par la flamme, comme eux.
+ Quel élément t'a été attribué lors de la Cérémonie ? Que ressens-tu vis-à-vis de ton don ?
Pour une cérémonie ratée comme la mienne, c'est sympa de me demander de raconter.
Bon alors... Comme tout le monde j'imagine, j'avais la boule au ventre. Un peu de stress, bien sûr, mais surtout de la hâte, et de la fierté. Certes, ça a pas duré bien longtemps, la fierté. Quand l'Eau m'a été attribué, ça a été la douche froide, si je peux me permettre l'expression. Sans rire. Depuis des générations et des générations, tout les Stark ont toujours été Feu. C'est vrai que j'ai tendance à être une exception, mais là... Je m'en serais bien passé. Alors j'ai détesté ce truc, jamais je me suis senti autre chose qu'un digne représentant de Sezni... Sale période...
A présent, je dois admettre que c'est bien différent. J'ai l'impression que mon don me correspond... Je sais pas. Je me sens entier. Et j'ai pas besoin de flammes pour coller une raclée aux autistes qui ont l'innocence -ou le degré d'alcoolémie- de me chercher des noises.
C'est pas pour ça que je l'utilise toutes les dix minutes à vrai dire... Quoi que quand je pêche, et c'est quand même mon métier, je m'amuse souvent à changer les courants, ou surtout empaler mes prises sur des pics de glace que je crée... Bon ça va, on s'occupe comme on peut merde !
+ Si tu pouvais aller dans une autre région d'Oranda, où irais-tu et pourquoi ?
Gorka est un continent immensément riche, c'est connu. Qu'il s'agisse de la végétation abondante, comme la faune, qui est soi-disant très diversifiée. Remplacer le paysage blanc neigeux par une forêt verdoyante et profonde, c'est quelque chose qui m'attirerait certainement, si le destin m'accordait de voyager. Tout comme à Vainui, j'ai entendu dire que le peuple de la Terre respectait énormément les espèces partageant leur domaine. Ceci ne peut être qu'un signe de sagesse de la part des habitants. Peut-être qu'un jour, de part ma propre détermination, ou pour accomplir une tâche précise, je serais amené à fouler l'étendue verte de Gorka.
+ Quel est l'élément dont tu te méfies au plus haut point ? Pourquoi ?
Difficile de se prononcer la dessus. Cependant, j'ai, à plusieurs reprises, capté des rumeurs sur le mystérieux élément "Matière". A défaut de dire que je le déteste, il m'intrigue davantage. Ce que l'on raconte à son sujet est toutefois plutôt déroutant. A ce titre, je répondrais simplement que je me méfie d'eux. Ce que l'on ne connaît pas inspire peu la confiance, mais j'aurais tout loisir de réviser mon jugement si l'un des présumés Matière croise un jour ma route. Cela m'étonnerais fort, mais on dit qu'il ne faut jamais présumer de l'issu des ficelles du destin, alors, j'attends simplement de voir.
+ As-tu un secret ? Un secret dont personne ne devrait en entendre parler ?
Vous me faites quoi là ? Un recueil de données pour justifier un arrêt sur ma tronche ? Le fait que je sois originaire de Sezni, c'est déjà pas mal, non ?
Quoi, ça compte pas ? OK... Et bien... Si on vous demande ce que trafique le loup, vous direz qu'il s'intéresse beaucoup à une proie, bien que cette dernière soit déjà sous la coupe d'un autre prédateur... Vous savez, ce genre de saloperies de pensées qui vous saisissent, le jour, la nuit. L'image d'une personne, qui vous hante... Sa présence, qui vous manque. Alors qu'est-ce que vous faites ? Vous obéissez à votre pulsion de manque, comme un con. Histoire de faire face à l'impossibilité d'avoir "plus" avec cette personne... Parce qu'elle est déjà à quelqu'un. Vous voyez ce que je veux dire, ou pas ?
Et puis merde, tirez-vous maintenant.
+ Quel est ton rôle au sein de ta région ?
A mon arrivée, je me suis établi dans un des petits villages de la région. En apprenant à connaître les us et coutumes du pays, j'ai choisi de participer de façon plus ou moins effacée en temps que pêcheur. J'en vends, qu'il s'agisse de particuliers, ou de certains établissement. Je ne fais pas ça pour l'argent, qui ne coule pas à flot par cette pratique, mais ça me permet de vivre, tout en restant à l'écart, comme je le souhaite.
Certains habitants me demandent parfois de services, comme je passe le plus clair de mon temps à vadrouiller dans le paysage blanc. A défaut d'être indispensable, je sais me rendre utile.
+ Que penses-tu de la séparation entre les éléments ? Crois-tu que cela est normal, ou contre-nature ?
On a toujours fonctionné comme ça. Pourquoi ? Parce que nos dons ne sont pas compatibles, ce qui amène des frictions entre les différents peuples. Au vu de mes origines, et de mon lieu de résidence actuel, je dois dire que mon opinion à changée. Je dirais que cette séparation est nécessaire dans un sens, la notion de "différence" étant encore profondément ancrée dans les esprits. Toutefois, j'imagine qu'il est possible de vivre tous ensembles, sans frontières et limites. Je n'irais pas jusqu'à dire que cela est contre-nature, cependant. Après tout, chaque peuple se caractérise ainsi, depuis des décennies, et adopte une culture et des pratiques différentes.
+ Crois-tu en l'existence de l'élément Matière ?
Pour sûr que l'élément existe. Depuis quand les contes et légendes se basent sur des conneries ? Y'a forcément une part de vérité, là dedans... Je n'en ai jamais encore rencontré, cependant.
+ Si tu devais me raconter un événement du passé...
Un évènement, n'importe lequel ? Hmm... En ce moment, peut-être est-ce dû à une forme de nostalgie par rapport à mes origines, je repense souvent à mon enfance, là-bas, à Sezni. Je pourrais la qualifier d'heureuse, principalement grâce à une connaissance très lointaine. Astéria. Une fille de mon âge, du style farouche, et certainement la demoiselle la plus sauvage et rebelle qu'il m'est été donné de rencontrer. Je me sentais en phase avec elle, et on passait le plus clair de notre temps ensemble, à courir et se battre virtuellement dans les grottes ou nous habitions. Elle était très vive, toujours dynamique. J'ai encore en mémoire nos courses poursuites, qui finissaient rarement sans blessures, animées par nos cris rageurs qu'on imaginait sûrement très impressionnants.
Il était question, pour nos pairs, de nous unir, une fois en âge de l'être. Toutefois, je qualifierais davantage notre relation d'amitié fraternelle. C'est évident, on était toujours collés ensembles. Un lien comme ça, ce n'est pas évolutif, ça ne débouche pas sur de l'amour. Je dirais qu'on se connaissait peut-être mieux que nous-même, comme des membres proches d'une famille, mais sans pour autant être frères et soeurs, vous voyez ?
Je suis resté un immense moment sans nouvelles. Et puis, il y a quoi... Un mois, peut être plus, peut être moins, elle à refait surface. Franchement, j'étais sur le cul de la voir à Vainui. Évidemment, ça m'a fais super plaisir. Comme je m'y attendais, elle est devenue une femme fière, et forte. Un truc me pesais sur le cœur depuis des années, je lui ai donc avoué le sort subi par sa propre sœur...
Forcément, ça l'a ébranlée, la petite... J'ai regretté, au début, parce qu'elle est partie sans donner de nouvelles. J'ai sincèrement cru ne plus la revoir, et puis au final, elle est revenue vers moi. Chercher du réconfort, même si bien sûr, c'est pas son genre de l'avouer. C'est peut être salaud de ma part, mais je suis content qu'on passe du temps ensemble. Comme au bon vieux temps.
+ Quel est l'impact des récents événements sur ta vie ?
La vie à Vainui est pas forcément simple. Bon, surtout quand on débarque de Sezni, c'est sûr. M'enfin, j'avais fini par m'y habituer, tant et si bien que j'appréciait carrément mon cadre de vie.
Ces derniers temps, sûr qu'on a pris une grosse claque. Pas voir la lumière du jour pendant aussi longtemps, ça nous a tous atteint. Dur pour la cervelle. J'en connais plusieurs qui ont pété les plombs. Je vais pas m'exclure totalement du lot, j'étais sur les dents, et y'a pas mal de fouteurs de merde qui en ont fait les frais. Le poisson aussi était détraqué. Ce qui faut l'avouer, est quand même embêtant, dans une région ou on mange principalement les produits de la pêche ! Mon acolyte sauvage, le loup, était pas dans son assiette non plus. Jamais il m'a autant collé. M'enfin, ces derniers temps, ça se calme, et franchement, c'est pas un mal... On commence enfin à réparer les dégâts, et croyez moi, ils sont plutôt importants...
+ Une dernière chose...
Un jour, alors que j'allais tranquillement relever l'un de mes filets, j'ai entendu des glapissements étouffés, qui ont rapidement fait suite à des grondements à mon approche. J'avoue être resté un instant interdit, face à l'animal qui gigotait assez faiblement dans l'eau, une patte visiblement prise dans les liens. Malgré le fois, son poil était hérissé, mais ce qui m'a redonné un peu de contenance, c'est que le loup ne découvrait pas ses mâchoires meurtrières. Idiot peut-être, mais rassurant tout de même. L'animal avait flairé mes prises, et c'était accordé un festin convenable en piochant sur le filet, mais quand il avait voulu remonter, l'une de ses pattes était restée coincée. J'ai alors commencé par tirer sur le filet, pour le remonter, puis j'ai précautionneusement coupé les liens. La bête était frigorifiée, alors je l'ai tirée sur une toile, et je l'ai observée pendant qu'elle reprenait contenance.
Depuis ce jour, il est fréquent que ce même loup me suivre, parfois de loin, parfois plus proche. Il m'observe travailler, et attends sagement quelques poissons trop petits pour être vendus. Il lui arrive de renifler mes affaires, de s'allonger sur cette même toile, mais rien de plus. Je ne tiens pas à m'essayer à l'apprivoiser. L'animal sauvage n'est pas fait pour être dompté, et sa simple présence me suffit largement.
Cette anecdote justifie mon surnom, "le Loup", qui, je le craint, achève de peindre mon portrait de solitaire.