Je viens de la région de Gorka, j'ai vu le jour en même temps que ma sœur jumelle. J'ai principalement vécu là-bas pendant toute mon enfance. J'ai pu donc apprendre au fil du temps les valeurs de mes terres, et je m'y suis construite petit à petit afin de devenir la jeune femme que je suis aujourd'hui. Mais surtout, de par mon statut, j'ai eu l'opportunité de découvrir Dahud. En effet, puisque la famille Birghild représente le peuple de la Terre au sein du conseil, il m'a été possible de traverser Gorka jusqu'à Dahud et de découvrir cet endroit si particulier. C'est en la visitant que j'ai pu m'enrichir au niveau social et politique, et également me forger un caractère, développant ma curiosité et mon avidité d'apprendre et de m'enrichir culturellement. Sans joli filtre coloré, j'ai pu voir la réalité du peuple, aussi bien des plus pauvres que des plus aisés. C'est pourquoi j'ai décidé, très tôt, que je voulais reprendre le flambeau de la famille, nourrissant l'espoir de représenter un jour le peuple de la Terre. Dahud est un endroit auquel je suis très attachée, pourtant je reste fidèle à ma région d'origine, qui m'a vue grandir et évoluer, dans un environnement plus qu'épanouissant. Peut-être que plus de monde devrait pouvoir visiter la Gorka, ils comprendraient ainsi comment vivre de la meilleure manière possible, en harmonie. Pour moi, cette région n'a rien à envier au reste d'Oranda. J'en suis malheureusement loin, mais pas de mon plein gré ; gardée prisonnière dans le désert du Sud. Gorka me manque énormément, et j'espère pouvoir la revoir très vite, lorsque j'aurais échappé à mon kidnappeur.


Afin de définir la famille Birghild, je pense qu'il faut tout d'abord étudier l'image que nous renvoyons, car elle est totalement fidèle à ce que nous sommes. En effet, nous sommes réputés pour être des gens empathiques, souriants et bienveillants. Bien entendu, comme toute famille, nous avons nos désaccords, nos problèmes, mais cela ne nous empêche pas d'être soudés, et très proches. De cette façon, j'ai pu grandir dans un environnement favorable, faisant de moi la jeune femme que je suis aujourd'hui, avec les moyens que mettaient nos parent dans notre éducation, puisqu'ils étaient loin d'être dans le besoin. Pourtant, à cause des nombreuses responsabilités données à la famille Birghild, nos parents étaient souvent absents, limitant les petits instants familiaux et les démonstrations d'affection. Cependant, ils ont toujours fait de leur mieux pour nous apporter le maximum. En ce qui concerne ma sœur jumelle, nous sommes très proches malgré les différences caractérielles qui nous opposent de manière parfois radicale. Nous sommes le pilier l'une de l'autre et c'est une certitude que je ne pourrais pas vivre sans elle. Ce lien si particulier est quasiment indestructible, surtout depuis que nous partageons son secret. Elle est la personne qui compte le plus à mes yeux. C'est pourquoi, malgré la torture de ma captivité, je sais qu'elle met tout en œuvre pour me sortir de là, alors je dois tenir le coup quoi qu'il advienne.

Actuellement ? Rentrer chez moi serait parfait. Ou même Dahud, en fait. N'importe où, mais pas Sezni. Je n'y trouve aucunement l'harmonie qu'il y a dans ma région d'origine. C'est la loi de la jungle, la peur est maître, la violence est reine. De plus, la chaleur rend le climat très désagréable, c'est peut-être pour ça qu'ils sont tous aussi surexcités. Pas une seule plante à l'horizon. Je me demande comment ai-je pu survivre autant de temps dans un environnement aussi différent de celui d'où je viens. Ces terres sont désolées et ne peuvent être sauvées des griffes de la mort. En dehors de ça, je dois avouer que je reste très curieuse de l'habitat du peuple de l'air et du peuple de l'eau. Je n'ai jamais pu les voir de près et je suis certaine qu'il y a beaucoup de choses à découvrir. Je nourris l'espoir qu'un jour, il soit possible de voyager librement entre les régions sans risquer une guerre qui ravagerait Oranda. En outre, d'autres terres partagent des valeurs proches des nôtres concernant notre environnement et il serait intéressant de les découvrir.

Il n'y a aucun élément que je hais. Disons plutôt que je m'en méfie. Bien sûr, nous avons tous nos différences et nos rivalités naturelles, avec des éléments en contradiction, je pense notamment au feu et à l'eau. Par cette logique, l'air devrait être notre opposé. J'ai grandis dans l'idée qu'ils étaient des menaces, mais j'essaye petit à petit de dépasser ces idées, puisqu'il s'agit de ma conviction première et des valeurs que je tente d'inculquer en politique. Pourtant, aujourd'hui, une chose est sûre : j'ai beaucoup de mal avec l'élément du feu, car à mes yeux, il n'apporte que la destruction. Du moins, c'est ce que je considère que leur dictateur leur fait faire, avec la manière dont ils utilisent leur élément qui pourrait pourtant se montrer chaleureux et accueillant. Au fond, aucun élément n'est dangereux, à moins d'être utilisé pour de mauvaises intentions et c'est précisément son cas. En revanche, je souhaite que les manipulateurs de l'élément matière soient moins mit de côté. Ma sœur étant l'une des personnes le contrôlant, je peux attester qu'il ne s'agit pas d'un mauvais don, même s'il continue de m'effrayer quelque peu puisque nous n'en connaissons pas les limites, ni la dangerosité. Dans mon idée, nous ne pourrons avancer qu'avec les uns avec les autres et apprendre de chacun pourra nous faire découvrir de nouvelles perspectives, nous permettant d'évoluer et d'aller au delà de tout ce que nous avons connu jusqu'ici. C'est également le cas avec l'élément matière.

Le secret que je m'engage à garder jusqu'à ma mort concerne ma sœur jumelle, une partie de moi qu'il m'est impossible de trahir, quoi qu'il advienne. Aspyn est de l'élément matière. C'est quelque chose que peu de personnes peuvent entendre, et je serais prête à tout pour que cela soit gardé entre elle et moi. Il est hors de question qu'il arrive quoi que ce soit à ma sœur à cause de cela. Je reste persuadée que je ne connais qu'une petite partie de ce secret et qu'Aspyn garde encore des choses pour elle, mais je ne lui en veut pas. Cela est très dangereux pour elle, et je comprends tout à fait qu'elle puisse vouloir garder certains aspects pour elle. C'est quelque chose de très personnel. Aussi, malgré ma captivité, je tente de conserver ce fait, quoi qu'il m'en coûte. De plus, avec tous ces événements, je réalise que je suis bien moins intouchable que ce que je pensais auparavant, si bien que je remets en doute ma position actuelle. J'ai beau garder la tête haute et  qu'Aspyn viendra me chercher, je sais au fond de moi que cet enlèvement va avoir son lot de séquelles et de traumatismes, m'éloignant de mes convictions.

Mes parents étaient les représentants du peuple de la Terre avant moi, et très vite, je me suis dirigée vers une carrière politique afin de leur succéder un jour. La passion et l'élan que j'ai mis à réaliser cette ambition m'a placée aujourd'hui à une bonne position. Ayant construit notre réputation auparavant, mes parents m'ont laissée avec une bonne voie et un chemin tout tracé, et je compte bien gravir les échelons petit à petit. Nous sommes connus pour être compatissants, mais nous sommes également vus comme des gens justes et généreux. J'ai pu présenter mes idées, jugées parfois utopistes ou irréalisables, faisant trembler les conservateurs face à tant de changements. Je m'en fiche : je crois dur comme fer à mes idéaux et j'espère convaincre autant de monde avec ma passion. C'est une lutte que je souhaite mener jusqu'au bout avec le plus d'alliés possibles. Du moins, jusqu'à mon enlèvement, qui bouscule tout ce sur quoi j'ai bâti ma carrière, car aujourd'hui, je réalise que ma sécurité n'est pas garantie, et celle de ma famille ne l'est pas non plus. J'espère, du plus profond de mon coeur, que je ne leur attire aucun danger avec mes idées.

Tout est dans la phrase : si la mise à mort est injuste, alors elle ne doit pas être réalisée. En fait, rien ne justifie le fait d'ôter la vie. Tout le monde à le droit à la justice et d'être entendu. De plus, j'estime que la peine de mort est une punition loin d'être humaine et démocratique. Cela engendre une spirale de violence incessante.  J'interviendrai, et je prendrais l'entière responsabilité des conséquences.

Je pense qu'il s'agit là d'une preuve d'ignorance. Chaque élément a sa spécificité, et ils sont séparés par nature, voire opposés. C'est pour cette raison que les peuples ont tendance à se déchirer. Chacun a ses valeurs et ses traditions propres, ne pouvant être transmises aux autres et propre à leur identité. Pourtant, je reste convaincue qu'il y a de quoi apprendre de chacun des éléments. Les éléments sont aussi différents qu'ils sont complémentaires. Avec un peu de savoir de chacun, nous construirions un monde meilleur, avec l'équilibre nécessaire. Rester ainsi éloignés de la sorte dans notre zone de confort peut nous être bien plus délétère que de vivre ensemble.

Bien sûr que j'y crois. Comment pourrais-je le nier ? Ma sœur elle même maîtrise cet élément encore inconnu, et elle est loin d'être la seule dans ce cas là. Malheureusement, l'inconnu effraye et l'élément matière n'échappe pas à cette règle. Aspyn n'est pas un monstre, et elle ne le sera jamais. Les personnes maîtrisant la matière ne le sont pas non plus. C'est en gardant les choses tabous que nous les rendons dangereuses : au lieu de les passer sous silence, il faut les laisser s'exprimer, apprendre, maîtriser et en faire une force plutôt qu'une honte. Ce n'est qu'en faisant cela que nous pourrons évoluer et faire évoluer les mentalités.

L'idée que je défends par dessous tout, c'est que nous sommes tous égaux et que nous devons arrêter de rester enfermés dans nos différences et dans nos régions. Chaque individu est unique et a des choses à faire partager aux autres ; chaque vie est essentielle au bon fonctionnement du monde. Tous les éléments sont opposés et complémentaires, comme nous le sommes ma sœur et moi. Tout le monde a son rôle a jouer, en particulier les Exempt qui ne sont pas moins des personnes car ils n'ont pas de maîtrise d'un élément. Que les personnes manipulant la matière existent, et qu'elles sont loin d'être des parias. Tout peut évoluer, et tout doit évoluer. Aujourd'hui plus que jamais, il s'agit d'une nécessité, puisque notre fragile équilibre menace de voler en éclat. D'ailleurs, le dictateur du Feu l'a bien compris, et s'est engouffré dans la première brèche qui s'est présentée à lui.

L’événement le plus important qu’il m’ait été donné de vivre pour le moment est sans aucun doute la révélation de l’élément de ma sœur jumelle. Cela s’est produit peu avant la cérémonie qui nous permettrait de savoir à quel élément nous étions rattachées. Nous étions face à face, dans notre refuge habituel, la forêt fluorescente, et j’ai vu dans ses yeux que la réalité était loin de ce que j’avais toujours voulu. J’étais loin d’imaginer une telle possibilité : à mes yeux, nous étions deux depuis le début, ensemble et inséparables. Il en serait forcément de même avec nos éléments ; nous avions beau être diamétralement opposées dans nos caractères, nous ne pouvions pas l’être par nos éléments. Je me trompais, lourdement. Aspyn m’a montré de quoi elle était capable. Beaucoup de sentiments contraires ont pris possession de moi l’instant où j’ai réalisé que cela risquait d’ébranler tout ce que nous avions toujours connu, mais j’ai fini par accepter la réalité, bien plus rapidement que ce que je croyais.  A partir de cet instant, j’ai très vite compris que tout serait différent, et pour toujours. Depuis ce jour, je m’efforce de fournir à ma sœur une couverture, usant de mes propres dons afin de faire croire au monde que nous sommes toute les deux du même élément. Pour un nombre incalculable de raisons, le secret devait être maintenu, et surtout, je devais aider Aspyn dans la découverte de ses pouvoirs, ce qui n’est certainement pas une mince affaire quand son élément est tabou. Paradoxalement, cette découverte nous a autant éloignées que rapprochées. Nous étions bien plus liées qu’avant, désormais plus que jamais liées par le secret, mais Aspyn gardait une part de mystère, un jardin secret auquel je n’aurais jamais accès. Ce n’est certainement pas pour autant que je vais me détacher d’elle. A mes yeux, elle reste ma sœur avec son caractère impossible et sa tendance à user de ses poings plutôt que de la parole. Pourtant, je ne peux pas m’empêcher d’être inquiète, il ne s’agit pas d’un don anodin, et si Aspyn ne l’usera jamais de façon mauvaise, ce n’est pas le cas de tout le monde, nous n’en savons encore que trop peu sur lui.


Ce qui se passe actuellement sur Oranda est terrible. J'ai du, moi-même, faire des choses qui ne m'ont pas ravie, comme par exemple, accompagner mon kidnappeur au bal des représentants. A ses côtés. Face aux miens. En gardant la tête haute. C'était absolument terrible. Le chaos approche, et nous nous enfonçons dans une spirale de violence qui ne fera que déchirer les régions. Si seulement je pouvais ficher le camp d’ici et tenter de rétablir l’ordre… De plus, la sécurité des miens m’importe plus que jamais. Et il y a eu l'assassinat de mon oncle... Je ne peux pas croire qu'une telle chose se soit produite. C'était un homme bon, il ne méritait pas de finir ainsi ; la personne qui a fait ça n'est que le reflet de la déchéance d'Oranda. Je dois garder mon chagrin pour moi et surmonter mon deuil dans le silence, malheureusement. J'espère que ma tante tient le coup... J'aimerais tellement être là pour ma famille en ces temps difficiles.


Mon objectif pour le moment est de m'enfuir, et de retrouver ma soeur. Je dois retourner dans ma région le plus vite possible.