Ҩ Le fil du destin | avec Marigold

Le ciel est gris au-dessus de ta tête, comme toujours en ces terres grises que sont le nord. La température te semble néanmoins un peu plus clémente aujourd’hui que la veille. Le froid n’est pas aussi mordant que pendant les derniers jours. Le voyage depuis Brynjolf n’a pas été de tout repos. Toi qui a l’habitude de la chaleur du désert, ta capacité à maîtriser la température de ton corps ne t’as pas beaucoup aidée pendant les nuits que tu as passé enveloppée dans ta cape de peau, au milieu des plaines enneigées de Vainui. Malgré le fait que tu tentes de passer la plupart de tes nuits sous le couvert des arbres de la Forêt Nuageuse, la vent avait soufflé si fort durant les dernières nuits que tu avais trouvé bien peu de sommeil. La chaleur de l’auberge au village te manquait. Tes couvertures rêches et ton lit de paille te manquaient mille fois plus que ton lit de plumes t’avait manqué alors que tu dormais à l’auberge, dans les semaines précédentes.

Tu as longtemps hésité à te rendre dans la capitale des terres du nord. C’est après ta rencontre avec la petite couturière aux yeux de biche de la famille Birghild, à Dahud, que tu t’étais demandé si les Drogon retenaient eux aussi les services des mêmes couturières de façon régulière pour la fabrication de leurs vêtements. Aussi, tu avais mené ta petite enquête au marché du village. À regret, tu avais appris que leurs vêtements étaient souvent créés par des couturiers différents, mais tu avais entendu parler d’une couturière en particulier ; celle qui avait fabriqué la robe de mariage de la reine Danis et qui avait fabriqué quelques-unes des plus belles robes de la princesse Nymeria, dont celle qu’elle avait porté au mariage de son père avec sa nouvelle épouse. On t’avait raconté que la demoiselle tenait une boutique dans la ville d’Ibaï. Elle se rendait aussi fréquemment à Dahud au marché pour se faire connaître, mais tu préférais la rencontrer dans un endroit où elle se sentirait totalement à l’aise. D’ailleurs, tu manquais de vêtements chauds adaptés au climat du nord. Tu avais amassé beaucoup de Pwenshara lors de tes combats et de tes paris aux tables de jeu à Brynjolf, tu aurais donc une excuse pour passer un peu de temps avec la couturière en te faisant fabriquer quelques vêtements sur mesure.

Ton hésitation à te rendre à Ibaï, à t’intégrer parmi les proches du souverain, était surtout causé par cette crainte sourde que tu avais d’y rencontrer ton ancien fiancé, cet homme qui te connaissait depuis l’enfance et qui te reconnaîtrait certainement malgré les vingt années qui étaient passés depuis votre séparation… Tu craignais moins de le rencontrer dans un petit commerce qui vendait des vêtements. Il faut dire qu’il n’était pas tellement glamour, selon tes souvenirs. C’est donc avec le visage bien couvert que tu avais pénétré dans la capitale. Avec appréhension, certes, mais il faudrait que tu t’y rendes un jour l’autre.

Ibaï ne ressemble en rien à ce que tu t’étais imaginé. Petite bourgade ne rassemblant guère plus de trois cent maisons et plusieurs dizaines de commerces, l’immense château du roi du nord trône en son centre, bien fortifié. Une petite ville qui n’a pas le charme d’Inaki où le palace du dictateur s’élevait, majestueux et témoignant de la puissance du souverain du peuple du Feu. Le peuple du nord n’aurait sûrement pas le même opinion que toi, mais tu ne t’avouais guère impressionnée par la capitale de Vainui.

À l’aide des indications données par la marchande qui t’a référée, tu trouves la boutique assez aisément. Détaillant l’enseigne assez discrète pendant quelques instants, tu pousses la porte, sentant immédiatement la chaleur de l’établissement t’envelopper. La cloche tinte doucement alors que tu entres dans la pièce principale. D’un mouvement lent et désinvolte, tu retires le voile qui enveloppait ton visage et ta chevelure en scrutant chaque recoin de la pièce, à la recherche d’une âme vivante. Avec tous les bons mots entendus lors de ta conversation avec les marchands, tu es bien curieuse de voir le visage de cette fameuse couturière dont le nom sonne si joli dans ta bouche : Marigold…

Au chaud dans sa petite boutique, Marigold l'arrange après le départ de son dernier client. Client bien difficile, levant le nez sur presque tout, la faisant bouillir intérieurement alors qu'elle s'efforçait d'afficher l'air le plus serin possible. C'est un client régulier qui juge tout, mais qui revient toujours, devant la qualité de ce qu'elle peut faire. Ce qui ne l'empêche pas de détester de le voir juger ce qui est exposé, éparpillant le tout au fur et à mesure de ses explorations qui changent rarement d'une fois à une autre. À chaque fois qu'elle le voit, elle se dit qu'elle ne va pas bouillir. Qu'elle sait que c'est du pipeau, qu'il est satisfait de ce qu'elle peut faire. À chaque fois, c'est non. Elle ne prend pas très bien la critique et n'arrive pas à se calmer. Se voir détruire, même temporairement, se faire dire qu'elle n'est pas si douée que ça, c'est difficile peu importe le nombre de compliments qu'elle peut recevoir des autres. Elle est toujours très soulagée lorsqu'elle quitte, et ne tarde jamais à ramasser ce qu'il a éparpillé un peu partout, riant nerveusement et essuyant ses larmes qui coulent toujours par la suite, afin d'effacer le plus vite possible tout visuel de son passage. Une fois ceci fait, elle peut retourner à ce qu'elle faisait avant qu'il ne fasse tinter la cloche, mettre la robe d'un bébé à la bonne grandeur et à la bonne grosseur.

C'est une robe pour le premier anniversaire d'un bébé, elle doit l'arranger afin qu'elle soit moins grande sur lui. La mère lui a expliqué que c'est un cadeau reçu il y a quelques semaines pour cette journée, mais que son fils n'a pas assez grossi pour bien la remplir. Il a l'air d'être perdu dedans, alors, elle a décidé de l'amener la faire réduire un peu, pour qu'il puisse la porter convenablement. Peu portée sur les enfants, la couturière n'a pas compris cette importance. Après tout, il va grandir et grossir et d'ici quelques mois, il aurait été capable de la porter de la bonne façon. Elle ne s'est pas obstinée et s'est contentée de dire qu'elle allait arranger le tout. Elle a pris les mesures du bébé, s'est exclamée sur l'apparence très mignonne de ce dernier. Peu importe ce qu'elle pense, la mère n'aurait pas apprécié de savoir qu'elle le trouvait quelconque. Elle ne lit pas l'avenir, mais quelque chose lui dit que la mère aurait été voir ailleurs. Ce qui aurait été plutôt malheureux. En se montrant aimable, la mère allait peut-être revenir pour d'autres vêtements et peut-être pour ses autres bébés. Arrangeant la robe, elle entend la cloche de la porte sonner. Elle sursaute, cligne des yeux comme à chaque fois qu'elle est concentrée, se lève, sort de l'arrière-boutique, ne lâchant pas la robe qu'elle est en train de faire, qu'elle dépose sur le comptoir doucement. Toujours avoir l'air occupée, un conseil de sa mère, comme cela, ça ne fait pas désespérée. – Bonjour, en quoi puis-je vous aider ? demande-t-elle, souriant à la nouvelle venue. Elle ne se rappelle pas l'avoir déjà vu, ce qui est plutôt étonnant vu le nombre de personnes qu'il y a dans cette ville. Elle vient peut-être d'un autre village, elle les fréquente moins. Peu importe, c'est une cliente potentielle, alors, elle doit s'occuper d'elle et de ses vêtements, linges, couvertures, autres demandes. En attendant d'obtenir une réponse, elle regarde la robe pour bébé, vérifiant qu'elle n'a rien oublié et que tout est parfait.

Sa voix était douce, mais ferme. Elle perça le silence qui flottait dans la boutique. Silence qui contrastait drôlement avec le vacarme qui régnait à l’extérieur du bâtiment. « Bonjour, en quoi puis-je vous aider ? » demanda-t-elle, un sourire bienveillant dans son beau visage. Aussi blanche et satinée qu’un perce-neige ayant tout juste émergé de la terre gelée, elle arbore une crinière de longs cheveux sombres et ondulés qui mettent son teint pâle et son regard clair en valeur. Ses joues sont marquées de quelques taches de rousseur qui lui donnent un air à la fois espiègle, chaleureux et accueillant. Une femme magnifique. Simple, certes, quasiment familière, mais tout simplement époustouflante. Tu crains que ton silence ne se soit fait sentir trop longtemps alors que tu la détailles sous toutes ses coutures. Un sourire étire brusquement tes lèvres charnues alors que tu la salues : « Bonjour, mademoiselle ! C’est un joli vêtement que vous avez là… je ne savais pas que vous faisiez aussi des vêtements pour les poupons. Ils sont tellement adorables quand il sont tout petits ! »

Tu t’approches d’elle de ton pas léger, comme celui d’un félin, posant une main aux longs doigts sur le comptoir derrière lequel la jolie couturière se tient. Elle tient un vêtement fait d’un tissus aérien et immaculé. Un entrelacs de fils diaphanes qui formaient une robe d’une beauté surprenante. Ça ressemblait à ces vêtements que les mères mettaient à leurs bambins lors de cette cérémonie qu’ils appelaient le baptême. Tu avais entendu parler de ce rite de passage qui faisait partie des rituels que pratiquaient les habitants de certaines régions. Selon ce que tu en savais, le baptême avait lieu dans les sanctuaires, au même endroit où les fidèles venaient faire leurs prières. On ne trouvait pas ce genre de traditions dans ta culture. À vrai dire, le rite de passage le plus important que l’on retrouvait chez les Feu, c’était la cérémonie. N’était-ce pas l’événement le plus important de la vie de chacun des habitants de votre continent ? Si un enfant du sud découvrait qu’il ne portait pas la flamme en lui, il ne pouvait pas revenir parmi les siens. Parce que si certaines peuples étaient reconnus comme étant tolérants – tu avais entendu parler de familles qui refaisaient leur vie à Lucrezia après avoir appris qu’un de leurs enfants était différent – ce n’était pas le cas de ton peuple. À part la cérémonie, les événements les plus importants dans la vie d’un représentant de ton peuple, c’était son mariage, puis son décès qui était suivi de l’incinération.

« Une commerçante que j’ai rencontré au marché de Brynjolf m’a référée à votre boutique. Elle m’a dit : "Va chez Marigold Osren à Ibaï. Si tu voyais la robe magnifique qu’elle a fabriquée pour la princesse Nymeria lorsque le roi et la reine se sont mariés, tu serais conquise !" Alors… me voilà ! Faut croire qu’ils ont raison quand ils disent que ma curiosité est mon plus grand défaut… » Tu mesures chacune de tes paroles. Contrairement à ton habitude, tu affiches un visage enjoué et souriant. Tu as appris de tes erreurs. Ta rencontre avec la jeune couturière de la famille Birghild à Dahud ne s’est pas très bien passée. Sa méfiance était si forte que tu n’aurais pu lui soutirer quelque information que ce soit sans utiliser la force. Et quelque chose t’avait dit que tu n’avais pas intérêt à briser un si jeune ange. Un pressentiment étrange qui avait freiné ton élan lorsque le feu s’était fait sentir dans tes paumes…Tu t’étais contentée des minces informations que tu avais obtenues, puis tu étais repartie. Si ton maître avait connu les raisons qui t’avaient poussée à quitter la boutique de la famille Trevelyan ce jour-là, il aurait probablement dit que tu perdais de la rigueur. Tu lui répondrais probablement que ce n’était pas de la crainte, ni de la prudence, mais plutôt de la sagesse.

« Mais qu’est-ce que je raconte… je vous fais perdre du temps avec mes bavardages ! Mon fiancé m’a donné quelques pièces pour que je vienne vous rendre visite. Il a été invité à la cour du roi Andar et aimerait que je sois présentable. C’est un marchand, vous voyez ? Je veux qu’il soit fier de me présenter à notre souverain… »

La nouvelle arrivée ne dit rien durant plusieurs secondes, elle se sent observée. Si elle juge de son talent par son apparence, ça devrait aller. Bien que ce serait bizarre, ça ne veut rien dire. Marigold la laisse donc regarder, ce n'est pas désagréable de toute façon. Elle sait pas la descendance de la jeune femme, mais ça doit être bien de ne pas ressembler à du lait tout le temps. Elle doit provenir d'un village plus éloignée où elle n'a jamais été, car elle ne se rappelle pas l'avoir déjà vu quelque part avant et elle n'est pas du genre à rester qu'à Ibaï. Pas du tout, elle aime trop bouger et découvrir pour cela. Elle déteste le fait qu'ils ne peuvent pas aller ailleurs qu'à Dahud. Elle ne comprend pas ces lois. M'enfin, elle ne pense pas pouvoir changer quoi que ce soit en parlant avec cette jeune femme. Jeune femme qui a finalement décidé d'ouvrir la bouche. Elle parle de ce qu'elle a entre les mains, soit la robe de bébé et elle se met, inévitablement, à parler de ces derniers. – Merci... je dois le rapetisser... un truc de mère j'imagine. Elle hausse les épaules. Il est facile à comprendre que cela aurait été plus logique d'attendre que le bébé grandisse assez pour ne pas avoir à faire une aussi grande retouche. – Surtout quand ils ne pleurent pas. dit-elle, d'un ton léger. Ton léger qui veut dire qu'elle n'est pas sérieuse. En espérant qu'elle ne soit pas une mère et qu'elle ne le prenne pas sérieusement. Elle s'est approchée du comptoir, lentement, a posé ses mains sur ce dernier.

La jeune femme reprend la parole parlant de comment elle a entendu parlé d'elle. Elle sourit, essaie de ne pas trop le faire, de contenir sa joie, car ce qu'elle essaie d'entreprendre semble fonctionner. Essayer de se faire connaître un peu plus afin de pouvoir améliorer un peu sa condition. Elle ne veut pas devenir la couturière la plus demandée du pays non, elle ne pense pas que cela lui laisserait le temps de se reposer et de s'amuser comme elle le souhaiterait, mais ne plus avoir à devoir calculer son budget sans ne pouvoir faire de folie, elle aimerait bien. Bref, ce qu'elle lui dit l'enchante. – J'aimerais bien pouvoir prendre tout le crédit, mais j'ai aidé à la confection. Elle adorerait pouvoir prendre tout le crédit, mais cela risque de vite se savoir si elle le fait. Elles étaient quatre une de chaque élément, pour pouvoir avoir des talents différents. Elle n'a pas vu de différence à ce niveau, elles étaient toutes douées. La seule différence qu'elle a pu voir c'est au niveau des modèles, elle n'a jamais vu autre chose que Vanui et Dahud, alors, ses inspirations sont différentes des autres. Elle pourrait essayer de donner l'impression d'un désert en se fiant à des peintures qu'elle a vu, mais ça ne serait pas exactement la même chose que si elle se fie au désert de glace qu'elle connaît. Entre le voir quand elle ferme les yeux et devoir regarder quelque chose pour y arriver. – On a été choisies par notre talent, alors, vous êtes entre de bonnes mains. Dire qu'elle n'a pas été seule n'est sûrement pas la bonne chose à faire pour la mettre en confiance et ne pas la faire changer d'idée.

– J'ai tout mon temps, il n'y a pas foule, alors... Cela lui fait passer un peu le temps. Et au moins, elle sait que ce qu'elle essaie de faire fonctionne un peu. ¬ Je ne pense pas que ça va être compliqué. lui assure-t-elle. Juste comme ça, elle est déjà très bien. Elle ne voit pas pourquoi elle devrait s'inquiéter. ¬ J'adorerais avoir votre peau, on ne peut pas vous prendre pour de la neige au moins. Une couleur qui doit faire du bien dans tout cet étalage de neige qu'il y a un peu partout. Un statut unique.

Elle te dit qu’elle doit rapetisser le vêtement pour qu’il aille mieux à l’enfant. Tu ne peux t’empêcher de te demander pour quelle raison on gaspillerait des Pwensharas pour faire rapetisser des vêtements pour enfant. Les tout petits grandissaient souvent si vite qu’ils n’avaient pas l’occasion de porter les mêmes vêtements plus que deux ou trois fois. Surtout les jolis vêtements d’occasion comme ce qu’elle tient entre ses doigts… De nombreuses mères dans le sud laissaient leurs enfants aller nus dans le domicile familial pour éviter d’avoir à se casse la tête avec ce genre de technicités. Son commentaire concernant les pleurs des enfants te fait rire. Malgré son visage impassible, tu sens une pointe d’humour dans les paroles de la jolie couturière. Son ton est léger et badin. Tu n’aimes pas particulièrement les enfants. Le geignement des nourrissons et des bambins a le mérite de t’irriter et l’ingratitude des adolescents te rebute profondément. Tu sais depuis longtemps que tu n’as pas les qualités requises pour devenir mère. Après tout, les hommes que tu as rencontrés jusqu’à maintenant semblent tous croire que tu n’as pas les prérequis pour devenir une bonne épouse ou même une bonne compagne, et sans époux, difficile de même penser à concevoir une progéniture. Ça ne t’a jamais trop dérangée. Plusieurs hommes se plaisent en ta compagnie, pour quelques heures ou quelques nuits. Même s’ils ne veulent pas d’une relation à long terme, tu te satisfais de ces marques d’affection qu’ils te prodiguent.

La couturière poursuit en déclarant modestement qu’elle a travaillé de concert avec trois autres couturières pour confectionner la robe de la princesse. Tu fronces les sourcils. Quatre couturières pour coudre une seule robe ? Et pas la robe de la mariée; seulement celle de sa belle-fille ! Il fallait probablement être riche à craquer pour comprendre l’intérêt de faire travailler autant de personnes sur une seule création que l’on ne porterait qu’une fois. Cette pensée te ramène vers le passé… à cette époque où vous aviez un roi et une reine pour gouverner le sud. Même si la famille royale n’avait plus la puissance d’antan, ce genre d’extravagance leur ressemblait aussi. Surement un trait de caractère commun dans les familles royales, que tu te dis. Tu avais été dans la garde royale pendant quelques années avant d’être recrutée par Lilo Naslor, le chasseur de primes, pour l’aider dans son travail. Ta place au palace t’avait quand même permit d’apprendre plusieurs choses qui avaient aidé ton maître à grimper au pouvoir dans le désert de Sezni. Les longues heures passées à faire la garde sur le pas des portes fermées avaient aiguisé ton ouïe, ta patience et t’avaient permis d’apprendre à devenir invisible. C’était ennuyant, mais pas inutile. Tu t’étais néanmoins sentie privilégiée lorsque le chasseur de primes le plus réputé du roi lui avait demandé de faire équipe avec toi. Il avait entendu beaucoup d’histoire sur Styx Frasier. Les gens disaient qu’elle était sans pitié, qu’elle n’avait peur de rien et qu’elle possédait une détermination sans pareille. Ils ne se trompaient pas. C’est Lilo qui t’avait appris à être une meilleure actrice. C’est là que ta vie avait pris une tournure plus excitante.

« Quatre couturières pour une seule robe ? Comme c’est saugrenu… » que tu marmonnes en observant les mains de la jolie jeune femme. Elle mentionne qu’il n’y a pas grand monde et qu’elle n’aura pas de problème à s’occuper de toi. Elle lance alors une remarque qui te prend de cours lorsqu’elle mentionne qu’elle aimerait avoir une peau comme la tienne. Ça te fait tiquer. Est-ce un message voilé pour t’indiquer qu’elle sait que tu ne viens pas de cette région ? Peu de représentants du peuple de l’eau affichaient une peau aussi olivâtre que la tienne. Tu te surprends à te demander si Akela a conservé le teint halé qu’il avait autrefois. Chassant ce fantôme de ton esprit tu souris à la jeune femme en déclarant : « J’oublie trop souvent que mon teint ne ressemble pas à celui des gens du nord… Je suis née dans le Sud. C’est drôle que vous disiez ça, parce que je trouve que votre teint se marie parfaitement à vos cheveux sombres et votre regard clair… vous êtes très jolie, » que tu lui dis d’un ton badin. Habituellement, tu détestes ce genre de discussions mondaines, mais tu ne veux pas commettre la même erreur qu’avec la couturière de Dahud. Et puis… tu ne refuseras pas ce genre de compliments, ils se font si rares par les temps qui courent.

Tu l’observes pendant quelques instants, puis craignant qu’un malaise s’installe, tu ajoutes : « J’en oublie la raison de ma visite ! Avez-vous quelques exemples – des dessins ou un truc du genre – que je puisse voir le genre de vêtements féminins que vous fabriquez ? Toutes mes robes sont plutôt adaptées aux terres plus chaudes de Dahud… j’aimerais bien quelque chose avec des manches plus longues. Peut-être du brocart ou du velours ? » Vaut mieux attendre un peu pour lui reparler de la princesse Nymeria. Tu ne veux pas qu’elle croie que ta visite cache quelque chose…

Sa réplique sur les bébés est passée, elle la fait même rire. Ouf, elle n'est pas tombée sur une gaga des bébés. Il ne peut qu'y avoir une suite. Marigold, hoche ensuite la tête. – Et vous savez pas qui s'est occupé de celle de la mariée. L'une des plus connues dans le cercle des couturières. Si elle, on lui dit souvent qu'elle a des doigts de fée, cette couturière doit être une fée elle-même pour réussir à créer des robes de cette manière. Ce qui la motive encore plus à continuer, et à toujours faire mieux, à essayer, à tester, à ne pas se dire qu'elle ne va jamais arriver à son niveau. – Oh ! fait-elle, après que la jeune femme lui ait dit d'où elle provenait, après son commentaire sur son teint de peau. – Cela a dû être vraiment dur... C'est son opinion et ce qu'elle a pu constater avec Akela, dans les premiers temps. – Merci... mais je vous assure, je deviens rouge à rien. C'est pas pratique. Un peu trop de soleil, et oups, elle est rouge. Un peu trop d'alcool et elle prend aussi cette couleur. Elle est fâchée, ça se voit très bien. Elle n'a pas un teint très subtil, mais à part cela, elle se trouve très jolie aussi. Elle aime de plus en plus cette cliente. Cliente qui se met à parler du pourquoi elle est là. Elle veut parfaire sa garde-robe pour ce coin du pays.– Il devrait pas y avoir de problème. lui assure-t-elle. On lui a demandé plus compliqué.

Elle sort le livre qu'il y sous le comptoir, reculant légèrement pour que les portes puissent s'ouvrir complètement. Elle les referme après avoir déposée le livre, l'ouvrant afin que la demoiselle puisse voir les différents dessins qu'il y a pour qu'elle se fasse une meilleure idée de ce qu'elle peut faire. – J'suis meilleure en couture qu'en dessin. la rassure-t-elle. Elle n'est pas mauvaise, mais elle n'est pas douée non plus. En s'y mettant pour de vrai elle pourrait sûrement s'améliorer, sauf qu'elle n'en n'a pas envie. Elle préfère coudre que dessiner, bien qu'elle sait qu'avoir sous les yeux un dessin de ce qu'elle a eu en tête ou encore de ce que les autres veulent avoir est toujours mieux. Un jour, peut-être, elle va s'y mettre. Aux côtés de certains dessins, il y a des modèles de cousu pour donner une meilleure idée. Le livre semble donc être volumineux, mais au final, il ne l'est pas. Ce n'est que les petits morceaux dedans qui donnent cette impression. – Et je peux vous montrer ce que j'ai fait ici. lui indique-t-elle, après que la jeune femme ait tourné quelques pages, lui montrant la boutique. – Je travaille avec ma mère et quelques autres couturières qui ne peuvent pas se payer une boutique à elles seules. En somme, tout ce qu'elle voit n'est pas qu'à elle. Une grande partie, c'est vrai, mais autant donner le crédit aux bonnes personnes en cas de besoin. Pour le moment, elles ne sont pas une menace pour elles. Sauf peut-être l'une, mais cette dernière préfère faire des couvertures et non pas des vêtements, alors, elle ne craint pas grand-chose de celle-ci. Elle prend surtout notes des tours d'aiguille qu'elle peut faire pour réussir à réaliser certains détails. – J'accepte aussi les idées s'il n'y a pas ce que vous voulez ici. Travailler sur des nouveautés est loin de la déranger, elle aime bien les défis de ce genre. – Je ne sais pas si vous vous rappelez bien de la mode chez les Feu, mais on peut toujours partir sur cela, un peu. propose-t-elle. Elle en a vu un peu à Lucrézia, elle n'est pas aveugle, elle a bien vu ce que la couturière avec qui elle a fait la robe de la princesse a fait, mais quelqu'un d'originaire de là-bas, même si elle n'y a pas mis les pieds depuis un moment, doit avoir de meilleurs connaissances qu'elle.

– Mais... ! Où sont mes manières ? Vous savez comme je me nomme, sauf que je ne connais pas le vôtre. Cela vient de lui traverser l'esprit, comme un éclair. D'où son ''mais'' sorti de nulle part. Elle lui fait un sourire d'excuse.

Tu ne comprends pas trop ce qu’elle entend par cela a dû être vraiment dur, mais tu n’oses pas lui poser la question. Il est vrai que la vie dans le désert Seznien ne convenait pas à tout le monde. Seuls les êtres Feu se plaisaient dans un tel environnement. Tu avais entendu dire que les maîtres de l’Eau pouvaient refroidir leur température corporelle. Aussi, tu ne comprenais pas ce qui aurait empêché leur peuple de vivre dans le désert, mais comme l’onde qu’ils maîtrisaient se faisait assez rare dans cette région, il n’aurait pas été logique pour eux de s’y établir. La couturière enchaîne rapidement en te faisant remarquer que les peaux pâles comme la sienne rougissaient facilement. Les habitants de Vainui affichaient presque tous ce teint de lait. Les pêcheurs et les chasseurs semblaient être les seuls qui faisaient exception. Il faut dire que le reflet du soleil sur la neige immaculée pouvait aussi bien créer des coups de soleil que l’astre du jour dans le désert rouge…

La jeune femme recule d’un pas et ouvre les portes sous le comptoir de la boutique. Elle dépose un grand livre assez épais devant toi. Sur les pages s’alignent dessins et échantillons de tissus. Elle t’indique qu’elle coud mieux qu’elle ne dessine alors que tu commences à feuilleter les pages parcheminée. Alors que tes yeux parcourent les lignes assurées dessinées par la demoiselle, elle poursuit en t’informant qu’elle travaille dans la boutique avec sa mère et quelques autres couturières. Tu penses à la couturière de Dahud. La jeune femme aux yeux de biche. La couture est-elle toujours une affaire de famille ? Elle finit par mentionner qu’elle est également ouverte aux créations, et qu’il y aurait possibilité de s’inspirer de la mode chez les Feu. Tes lèvres s’étirent en un beau sourire alors que tu lèves les yeux vers elle. « Bien sûr que je me rappelle la mode Feu, que tu commentes. Elle a très peu changé de Sezni à Dahud, si vous voulez mon avis… »

La jolie femme du nord s’exclame alors : « Mais… ! Où sont mes manières ? Vous savez comment je me nomme, sauf que je ne connais pas le vôtre. » Impossible d’éviter le sujet, que tu te dis. Toutes les personnes que tu rencontres finissent indéniablement par vouloir connaître ce fichu prénom. « C’est moi qui suis désolée, ma chère, j’aurais dû me présenter en arrivant. Je me prénomme Astéria. » Ça n’était pas un mensonge. À vrai dire, tu venais probablement de t’ouvrir à cette femme plus que tu ne t’étais ouverte à qui que ce soit depuis ton arrivée à Vainui. « Vous piquez ma curiosité avec la mode feu. J’imagine que c’est plus long lorsque vous devez créer le vêtement de toutes pièces, sans gabarit ? Vous devez passer plusieurs heures avec le client pour saisir ce qui lui plaît, non ? » Tu te félicites intérieurement de ta délicatesse à amener le sujet de cette robe princière créée pour l’héritière du peuple de l’Eau. « Les femmes du sud portent souvent des tissus très légers… Je ne crois pas que ce serait très adapté pour la température d’ici. »

Tu continues à tourner les pages du livre, croisant son regard de temps en temps. « Le cuir est aussi omniprésent dans la mode Feu. Je me demande ce que nous pourrions arriver à créer en utilisant du cuir sombre, du brocart et… de la fourrure, pourquoi pas ? » Tu jettes un coup d’oeil autour de toi. Plusieurs mannequins sont vêtus de robes et de chemises qui ont encore besoin de retouches, mais tous les vêtements que tu vois sont des créations originales. Tu ne t’étais jamais attardée au travail d’une couturière avant que le maître ne te confie cette mission. Étrangement, ces sentiments nouveaux et étranges que tu ressentais pour le géant roux affectaient ta façon d’agir, parce que même si tu gardais ton objectif en tête, les vêtements créés par Marigold t’intéressaient réellement. Tu étais curieuse de savoir ce que la demoiselle pourrait créer pour toi, et impatiente de revêtir sa création pour montrer, peut-être, un aspect différent de ta personne à Lachlan. Aimerait-il cette facette de toi qu’il ne connaissait pas ? Tu en doutais. Mais pour une fois dans ta vie, tu avais envie de porter autre chose que des chemises de coton et des pantalons.

Il faut espérer que la jeune femme aime bien le sujet vêtement, car pour Marigold c'est toute sa vie. Ce qui n'est pas vraiment une surprise en soi. Bref, il est vrai que dans un endroit où il y a des vêtements de fait, c'est normal que le sujet soit abordé, mais elle est vraiment dedans. Elle pourrait en parler durant des heures et la retenir une éternité dans sa boutique. Au moins ça la concerne, elle veut des nouveaux habits, alors elle doit bien apprendre à la connaître un peu pour que cela aille avec elle. Elle trouve cela important. Elles parlent donc de la mode Feu puisque la brune vient de là. – Je dois la connaître un peu de ce que j'ai pu voir à Dahud justement. Elle ne pense pas être experte, mais ça lui dit quelque chose, elle a quelques vêtements en tête. Ils auraient pu être différents à cause des différences de température.

Astéria se présente, sujet oublié jusque là. Elle secoue la tête, peu importe qui ne s'est pas présenté ou bien qui n'a pas demandé. C'est réglé à présent. Surtout qu'elle est questionnée à propos de la procédure lorsqu'elle doit faire quelque chose de complètement libre, ou presque. – Oui... mais j'aime bien. Et parfois juste un dessin peut suffire. D'autres fois c'est vraiment long. Ce qu'elle vient de dire est contradictoire. Elle s'en rend compte lorsqu'elle finit de parler. Ce n'est pas de sa faute non plus si elle a des clients qui ne demandent pas toujours la même chose. Elle ne se plaint pas, cela amène de la diversité. – Ça dépend des clients en fait. Astéria a dû le comprendre. Il y a des faciles, des difficiles, des exigeants, des j'ai pas trop d'idées mais j'aime rien de ce que tu proposes (les plus chiants) et bien d'autres. – Il y en a qui arrive avec des dessins déjà fait, même des habits fait à la va vite sur une poupée. elle finit sa phrase en riant. Cela donne parfois de drôles de résultats car ce n'est pas très bien cousu ou ce n'est pas le bon tissu, ou pas la bonne coupe. –D'autres avec pas vraiment d'idée... et certains qui veulent la même chose que ce qu'ils ont vu ailleurs. Tout en étant original, pas trop non plus pour ne pas se faire remarquer plus qu'il ne le faut, tandis que d'autres préfèrent oser. C'est souvent du cas par cas. Ça ne paraît pas, mais c'est plus compliqué que cela en a l'air. Peut-être pas pour les personnes n'accordant pas d'importance à leurs vêtements, par contre, pour ceux qui en accordent, cela est souvent toute une histoire.

Elle secoue ensuite la tête. Les tissus légers par ici ce n'est pas très à la mode. Il fait bien souvent trop froid pour cela. Même à l'intérieur, à moins d'être toujours contre le foyer ou le poêle, il fait rarement chaud. – Le cuir et la fourrure ne sont pas très populaires par ici. lui rappelle-t-elle. Il faut tuer les animaux pour cela et ils n'en mangent même pas la viande. Les Eaux les respectent trop, ici, ce n'est que du tissu des plantes qui est utilisé. Rarement on voit du cuir ou de la fourrure qui proviennent surtout des animaux morts ou achetés à Lucrezia suppose-t-elle. Elle ne l'a jamais fait, et elle ne le ferait jamais. Elle ne se voit pas porter des bouts d'animaux morts sur elle, elle trouve cela bien glauque. La brune doit avoir encore des habitudes du coin des Feu malgré tout le temps passé loin d'eux. Si Astéria trouve les composants qu'il lui faut, elle va le faire. Elle ne va pas les trouver à sa place, elle ne pourra pas s'y résoudre. Elle a déjà travaillé avec ces matières, mais elle ne s'est jamais sentie très à l'aise en le faisant.

Tu réalises ton erreur trop tard lorsque la demoiselle te rappelle que la fourrure et le cuir ne sont pas très populaires à Vainui. Tu te maudis intérieurement en te souvenant que le peuple de l’Eau, contrairement aux gens du Sud qui ne pouvaient faire autrement que de tuer les bêtes, autant pour se nourrir que pour se vêtir, préféraient de loin se lier d’amitié avec les animaux qui croisaient leur chemin. C’était une chose bien étrange pour toi que de vivre sur des terres foisonnant d’animaux au pelage si chaud et fourni et de se refuser à les chasser pour pouvoir s’en vêtir. Les hivers du Nord étaient très froids, selon les rumeurs qui étaient parvenues à tes oreilles. Il est vrai cependant que les Eau ne ressentaient pas le froid comme les autres peuples. Tout comme les Feu enduraient la chaleur du désert alors que personne d’autre ne parvenait à y survivre. À Dahud, tu as croisé plusieurs personnages qui ne mangeaient pas la viande animale ou quoi que ce soit qui provienne des animaux. C’était là une chose bien étrange pour toi qui avait grandi dans des conditions difficiles. Chez toi, on élevait les animaux pour les abattre et les manger. On élevait les chèvres, parce qu’il était possible de faire du fromage et du savon avec leur lait. La chaleur du désert ne permettait à personne de cultiver le grain ou même les végétaux. Quelques familles riches importaient de la terre meuble qu’ils mettaient de grands bacs où ils faisaient pousser des fruits et des légumes, mais peu pouvaient se le permettre. Peut-être que la raison pour laquelle le peuple du Feu avait tant de ressortissants au tempérament fort et dangereux était liée au fait que la vie était très dure sur votre terre natale. Dans le désert, c’était marche ou crève. Les faibles ne survivaient pas. On comptait, parmi les représentants de ton peuple, peu de gens à la santé précaire et peu de personnes âgées. Heureusement que de nombreux marchands habitaient Dahud. Ils revenaient vers le désert pour y vendre leurs produits. « J’ai du mal à me faire aux coutumes de Vainui, que tu avoues d’un ton navré. D’ailleurs… vous connaissez beaucoup de gens qui ont tissé des liens avec des animaux ? Ce n’est pas une chose très commune à Dahud, et encore moins à Sezni. La plupart des habitants de la cité reine, la riches, se contentent d’animaux domestiques, comme des chiens. »

Tu reviens lentement vers le comptoir auquel tu t’accoudes et feuillettes les pages du volume, feignant un intérêt marqué aux images qui croisent ton regard. La vérité, c’est que tu ne portais pratiquement jamais de robes. Tu ne connaissais rien de la mode féminine à part ce que tu en voyais sur les femmes que tu croisais dans les rues de Dahud, dans les tavernes, les maisons closes et au marché. Une femme qui exerçait ton métier ne portait pas ce genre d’accoutrements. Sauf lorsque ça s’avérait nécessaire… Depuis le jour où tu avais décidé de fuir le domicile familial, tu avais été soldat, membre de la garde royale, chasseuse de primes, puis espionne. Tu te rappelles l’époque où tu épaules Lilo dans ses chasses à l’homme… une des plus belles périodes de ta vie. Tu aimais bien jouer à la séductrice avec ses proies. C’était bien souvent la façon la plus aisée de les capturer… Tu aimais aussi cette adrénaline constante qui courait dans tes veines, cette tendance qu’avait l’homme de te pousser toujours plus loin. C’est dans ce temps-là que tu avais le plus fréquemment porté des jupons et des corsets. Tu détestais ce genre de vêtements. Ils étaient encombrants et peu pratiques. Au cours de tes missions, lorsque tu devais porter quelque chose de féminin, tu te rabattais sur les vêtements de voyage que portaient certaines femmes lorsqu’elles chevauchaient, soit un pantalon sous une jupe courte à l’avant et plus longue à l’arrière, une chemise blanche et un corsage assorti. « Vous devez avoir passé pas mal de temps avec la princesse lors de la confection de sa robe ? Savez-vous si elle a une couleur préférée ? Toutes les couleurs doivent lui aller avec sa chevelure pâle et sa peau de porcelaire… »

Tes doigts effleurent alors une tissu d’une douceur particulièrement agréable. Tu tournes la page et jette un oeil au dessin qui est tracé sur le parchemin. L’échantillon de tissus est orné de fioritures dorées qui chatouillent tes doigts au toucher. D’une simplicité surprenant, la robe d’une étoffe rouge sang dévoile les épaules de la silhouette dessinée. À la fois sensuelle et chaste, la robe en dévoile juste assez pour attirer les regards, mais pas trop pour offenser les prunelles innocentes. Le haut du buste est brodé de fils d’or délicats qui courent du décolleté aux épaules jusque dans le dos. Les mêmes broderies ornent les manches de la robe sur les poignets.« Par tous les dieux ! Cette robe est… surprenante ! Simple, mais spectaculaire. Je ne sais pas si cette couleur m’irait, je porte habituellement des trucs beaucoup plus sombres, mais c’est un style qui me plairait beaucoup ! »

Tu retournes le livre vers elle en levant tes prunelles vers ses iris pâles. Ces paroles sont honnêtes. Jamais tu n’as vu de tels habits auparavant...

Une idée de la robe dans ma tête:

Marigold ne dit rien, elle se contente de hocher la tête. N'ayant jamais été dans la même situation que Artésia, elle ne peut pas dire si changer les habitudes malgré toutes ses années passées en dehors de Sezni est compliqué ou pas. Il est vrai qu'elle se voit pas changer d'alimentation si elle décide de ne plus mettre les pieds à Vainui. Elle n'est même pas curieuse de goûter ce qu'elle n'a jamais mangé. Elle respecte trop les animaux pour cela. Il reste les poissons, mais lorsqu’elle a essayé de s'en passer, elle s'est vite rendue compte qu'elle avait toujours faim. Elle s'est donc remise à en manger, que des poissons communs. Elle ne veut rien savoir des rares, cela veut sûrement dire qu'ils se reproduisent plus difficilement et elle ne voudrait pas qu'ils deviennent encore plus rares. Le sujet continue sur les animaux sauvages ''domestiqués'' qu'il y a par ici. – Quelques personnes. confirme-t-elle. – J'ai eu des voisins qui avaient une chouette qui venait souvent les voir. complète-t-elle, un sourire aux lèvres. Elle a quelques souvenirs en tête de cette chouette. – Peut-être qu'ils savent qu'on ne voit pas en eux des repas. Ils doivent sentir qu'ils ne sentent pas la viande rouge ou quelque chose comme ça. Ou juste l'odeur de cuisson peut-être. Elle ne peut pas dire.

La brune revient vers le comptoir, se remettant à parler de la princesse. Ça ne la surprend pas, la royauté est un sujet si passionnant après tout. – Oui, un peu. confirme-t-elle. Une robe ça ne se fait pas seule et pas à l'œil. Certes, essayer est possible, mais ça ne donne pas toujours de bons résultats. – J'ai eu beaucoup de chance. Et du talent, il ne faut pas l'oublier. Surtout celui-ci en fait, bien que Nymeria, ou la nouvelle reine, aurait pu préférer un autre style de couture que ce qu'elle fait. Peu importe ce qui a joué, elle en est bien contente. Cela a été une expérience enrichissante. Elle réfléchit un instant à la question posée. Elle a eu beaucoup d'informations en peu de temps. – Le blanc. fut sa réponse. Elle espère ne pas se tromper, mais il lui semble bien que ce soit bien cette couleur. – Ce n'est pas très compliqué, vous avez raison. Certaines personnes ont plus de chance que d'autres niveau vestimentaire.

Astéria feuillette le livre, pour finalement s'arrêter sur une rouge. – Une jeune fille voulait ça pour son anniversaire... mais son père a trouvé qu'elle était trop osée alors ça n'a pas dépassé le stade de dessin. Elle a déjà vu plus révélateur, mais ce n'est sûrement pas ce genre d'arguments qui aurait pu le convaincre. Pour le dérangement et le dessin, on lui a laissé les fils d'or et l'autorisation de pouvoir la faire pour quelqu'un d'autre. Ce n'est pas très juste pour la jeune fille, mais la robe est trop belle pour rester en tant que simple dessin. – Votre choix se porte sur celle-ci ? Avec le regard qu'elle a fait, le contraire lui serait étrange, mais peut-être qu'elle préfère y cogiter encore un peu. – Vous voulez faire des modifications ? demande-t-elle. Plus de fils doré ou encore d'autres sortes de manches ou elle n'en sait rien. – J'ai le tissu si vous voulez voir si la couleur vous va. Il n'y a qu'à l'enrouler autour d'elle pour cela. De cette manière, elle va pouvoir vérifier si cette couleur inhabituelle pour elle lui va.

Tu acquiesces vivement lorsqu’elle propose de te montrer le tissu pour que tu puisses voir si la couleur te plaît. Pendant qu’elle fouille dans l’arrière-boutique pour trouver un grand morceau du tissu épinglé au livre sur le comptoir, ton regard fait le tour de la pièce pour s’arrêter sur un coin où se tient un grand miroir sur pied. Lentement, tu t’en approches, retirant le manteau noir passé par-dessus ta chemise de coton blanche. Pensive, la tête légèrement penchée sur le côté, tu t’y observes un moment.

Tu te regardes rarement dans la glace. Ton père n’aimait pas la vanité. C’est un des plus vilains défauts humains, qu’il disait. Le genre de tare qui peut te coûter la vie, qui te fait sous-estimer tes ennemis. Aussi, à part l’eau de la source qui coulait dans l’enfilade de grottes où tu vivais avec ta famille et le reste de votre communauté, rien dans votre maison n’avait jamais reflété ton visage. Vous n’aviez pas d’assiettes argentées où tu aurais pu te mirer... Toute ta jeunesse, tu t’étais contentée de tresser tes cheveux dans ton dos et de bien te nettoyer le visage tous les mains. Parce que c’était ce que ton père te demandait de faire. Tu n’avais même jamais vu de femme porter de maquillage avant de prendre la décision de t’enfuir de cet endroit maudit où tu avais vu le jour. Encore aujourd’hui, tu n’en utilisais pas dans ta vie de tous les jours. Seulement lorsque l’occasion l’exigeait. Tu avais appris à aimer tes traits au naturel. Il faut dire que la vie que tu menais n’aidait pas à la situation. Les garçons avec qui tu t’étais entraînée avant de devenir soldat avaient déjà assez de mal à t’accepter parmi eux – ils te croyaient trop faible et fragile pour exercer le même métier qu’eux – les artifices féminins n’auraient en rien amélioré ton sort ; ils auraient sûrement tout simplement entraîné un viol. On aurait dit que c’était ta faute, comme on le faisait tout le temps. À une certaine époque, lorsque tu fréquentais le chasseur de primes Lilo Naslor, il t’arrivait fréquemment de devoir te déguiser. Tu y avais pris plaisir. C’était devenu un jeu de t’habiller pour impressionner les proies de ton mentor. Avec lui, tu avais réalisé que tu pouvais prendre avantage de ta condition de femme, parce que la plupart des hommes étaient faible, faciles à influencer lorsque tu leur jetais des regards assez enflammés. Désormais seule dans une villa d’Inaki, tu ne trouvais pas vraiment intérêt à te faire belle tous les matins. Tu n’avais personne à impressionner. Difficile d’admettre que la solitude et le manque d’affection pouvaient te peser autant...

Reportant ton regard qui avait dérivé vers les lattes du plancher sur ton visage, tu esquisses un faible sourire. On t’a déjà dit que tes sourires faisaient briller tes yeux de façon agréable. Tu ne comprenais pas vraiment ce que cette personne avait voulu dire. De tes iris sombres, tu détailles la silhouette trop svelte de ton corps dans la glace. Mince et filiforme, ta poitrine n’est pas très volumineuse et tes cuisses et ton postérieur sont plus musclés que galbés. Tu songes à la sœur de Lachlan, toute en courbes et en chaleur. Le genre de femme que bien des hommes rêvaient de mettre dans leur lit même si plusieurs n’osaient pas l’avouer. Face à elle tu étais... sèche, peu alléchante. Heureusement que ton visage était agréable à regarder. Distraitement, tu tires sur le lacet qui retient tes cheveux attachés. Tes longues boucles noires cascadent sur tes épaules, épaisses, soyeuses et brillantes.

La couturière interrompt tes pensées lorsqu’elle se ramène dans la pièce avec un grand bout d’étoffe d’un rouge profond, carmin, comme le sang qui perlait d’une blessure. Cette robe, tu la garderais. Même si elle serait trop chaude pour le sud, tu la garderais précieusement. La couturière te tend le textile en souriant. Tu tourbillonnes en t’enroulant dedans, rigolant comme une adolescente en jetant un regard à la Vainuienne au-dessus de l’étole. « Comment me trouvez-vous ? » Sans attendre la réponse de la brunette, tu jettes un coup d’œil au-dessus de ton épaule vers le miroir. Tu aimes bien cette teinte. Elle complimente bien ton teint. Un de tes amants a déjà dit que les couleurs flamboyantes t’allaient aussi bien que tes vêtements sombres. Tu te souvenais très bien de cette robe blanche qu’il t’avait offerte. Tu ne l’avais sans doute portée qu’une fois. Pas parce qu’elle ne t’allait pas, ça non ! Sûrement parce qu’elle t’allait trop. « On peut se tutoyer ? Si vous devez me confectionner cette robe, on devra probablement se côtoyer souvent dans les prochaines semaines. Autant se familiariser tout de suite ! »

Puisque Astéria veut voir le tissu, Marigold quitte donc l'avant sans trop d'inquiétude de laisser la boutique sans surveillance. Elle n'a pas trop le choix et de ce qu'elle sait la jeune femme n'a aucune raison de mettre le bordel. Elle n'est pas pour s'inquiéter dès qu'elle n'est plus là. C'est rarement qu'elle a eu une mauvaise expérience en faisant ça. Elle continue donc, sans trop y penser. Une fois dans l'arrière-boutique, elle sait exactement où aller. Elle n'est pas organisée dans tous les détails de sa vie, mais ici, elle l'est. Elle trouve cela important pour éviter de se chercher et de prendre trop de temps avant de revenir avec ce qu'un client veut voir. C'est plus simple pour elle aussi. Malheureusement, elle ne trouve pas le rouleau là où il devrait être. Elle classe ses rouleaux par sortes de tissus et ceux-ci par couleurs, et chaque sortes de tissus a le même rangement de couleurs. Alors, lorsqu’elle ne le trouve pas dans la bonne pile, on peut comprendre qu'elle soit un peu perdue. Elle cherche dans le rouge, et le trouve dans celui des cotons. Quelqu'une a dû le déplacer pour elle ne sait trop quelle raison. Elle soupire. Elle ne voit pas trop en quoi son système est simple à comprendre. Sortes et couleurs. Est-ce qu'il y a quelque chose de compliqué là-dedans ? Non. Ce n'est pas de la faute de la jeune femme, alors elle ne va pas la faire attendre plus longtemps.

Elle retourne donc dans la boutique, où sa cliente est toujours, pas au même endroit, elle est devant le miroir à présent. Elle se regarde dans ce dernier, il est vrai qu'on fait souvent ça devant une glace, elle a enlevé son manteau noir et elle a détaché ses cheveux. Elle trouve que cela lui donne l'air moins sévère, mais elle se garde bien de le dire. Elle n'est pas là pour la critiquer sur autre chose que la future robe qu'elle veut avoir. Elle se rend compte qu'elle n'est plus seule, et la couturière s'approche un peu plus de cette dernière, lui souriant. La jeune femme s'enroule dans le tissu, tout en riant, ce qui continue de la faire sourire. – La couleur vous va très bien. lui confirme-t-elle. Sinon, niveau coupe, juste s'entortiller dedans, ça ne donne pas grand-chose. Ce n'est pas très flatteur comme ça. Ce n'est pas la première fois qu'elle se fait cette réflexion. – Ça me va. dit-elle, souriant. De toute façon, elle n'aurait pas tardé à le faire sans y penser. Elle se dit que la politesse, après un certain temps, c'est un peu trop forcé et inutile aussi. – Tu veux modifier quelque chose ? elle se répète, mais elle n'a pas répondu précédemment. Elle préfère s'en assurer avant de commencer la robe. Elle retourne chercher son livre, ouvert à la page avec la robe qu'elle veut avoir, et le lui tend pour qu'elle le regarde une dernière fois. – Une fois commencé, ça peut être compliqué de devoir modifier. Peu importe ce qu'elle veut modifier, plus serrée, un autre style de décolleté, plus de décolleté... elle va sûrement pouvoir le faire. Ce n'est pas son idée à la base, alors bien que la robe semble être parfaite, peut-être qu'elle pourrait l'être encore plus.

Tu secoues la tête avec vivacité. Elle te semble impeccable, cette robe. Le tissu a l'air soyeux, elle dévoile tout juste ce qu'elle doit dévoiler et cache tout ce qu'elle devrait cacher, la couleur profonde met ton teint en valeur, et les ornements dorés et argentés sur le buste et les manches te confèreraient une allure à la fois riche et modeste. Juste assez nombreux. Ça n'était pas qu'une vulgaire robe. Plutôt une oeuvre d'art. C'est comme ça que tu l'air qualifié. « Elle me semble tout simplement parfaite, » que tu déclares en haussant les épaules. « Je suis certaine que tu rendras justice à ce dessin. On ne m'a dit que du bien de toi, à Brynjolf... et même si je n'en ai pas vraiment l'habitude, je te fais confiance. Je dois quitter Ibaï pour quelques jours. Il vaudrait mieux que tu prennes mes mesures tout de suite, parce que je ne serai pas de retour dans le coin avant la fin de la semaine prochain au moins. »

Tu envoies tes bottes valser sur le sol d'un mouvement rapide, puis tu rattaches ta longue chevelure sombre pour ne pas qu'ils gênent la couturière dans son travail. « Tu prends les mesures ici, ou bien tu les prends dans l'arrière boutique ? » que tu lui demandes en levant ton regard sombre vers ses yeux bleu clair. Elle ne manque pas de charme, cette femme du nord, avec sa longue chevelure d'un brun foncé presque noir, sa peau claire comme la neige et son regard clair comme l'eau d'une fontaine. Tout à fait l'idée que tu te faisais de la beauté typique des terres du nord. Il semblait que depuis que tu avais traversé illégalement la frontière de Vainui, tu n'avais rien vu d'autre que de jolies femmes. Pas que les femmes du sud soient désagréables à regarder, loin de là ! Les femmes de Sezni offraient un grand éventail de couleurs dans le pigment de leur peau, allant de l'ébène à la couleur du miel en passant par le blanc légèrement basané et l'olivâtre. Étant donné les maigres ressources du sud et la fragilité de la vie, on comptait très peu de grosses femmes dans le désert. La plupart des femmes étaient filiformes chez toi, certaines même squelettiques. Pourtant, tu avais trouvé un certain charme aux silhouettes charnues que tu avais vu à Vainui. La soeur de Lachlan, par exemple, avait une silhouette bien en chair aux courbes passiblement gracieuses et délicieuses en plus d'un visage exquis.

« Je dois retirer mes vêtements, ou tu prends tes mesures même si je suis toute habillée ? » que tu demandes sans vraiment attendre sa réponse à ta première question.

Spoiler:

Des changements, même minimes, peuvent apporter une différence dans comment on peut se sentir en portant un vêtement. Marigold a peut-être l'air d'insister en lui posant la question une deuxième fois, mais c'est important. Styx ne tarde pas à répondre de manière assez claire. Elle ne veut rien changer. Elle hoche donc la tête, ne rajoutant rien. Elle semble être sûre d'elle, le mot « parfait » lui ayant mis la puce à l'oreille, tout comme sa tête qui s'est secouée, essayer de la convaincre de changer quelque chose ne donnerait rien. Elle préfère garder son énergie pour plus tard et pour d'autre utilité. La jeune femme continue ensuite de lui dire des choses plutôt agréables à entendre, bien qu'elle se doutait un peu d'être connue un peu partout dans Vainui. – Je peux les prendre tout de suite, mais je ne sais pas si la robe va être prête d'ici là. Il y a plusieurs détails, et ce n'est pas aussi simple que cela faire une robe. Il faut de la précision, de la patience, de l'observation et du talent, bien entendu. Elle doit aussi faire ce qui est arrivé avant. Elle fait tout en ordre, sans préférence, peu importe qui le demande. Sauf quand cela a été pour la princesse, mais ce n'est pas pareil. C'est la princesse. Elle peut varier d'un moment à un autre de la journée, mais elle fait attention de ne pas trop s'avancer.

La brune lui demande ensuite des renseignements sur comment et où prendre ses mesures, tout en enlevant ses bottes et en rattachant ses cheveux. – Ça dépend d'à quel point tes vêtements sont moulants et d'à quel point tu es pudique. Elle ne peut donc pas décider à sa place. Pas assez moulant, les mesures seraient fausses et elle devrait donc se dévêtir un peu. S'ils sont corrects, elle doit prendre ses mesures et la toucher d'assez près. Certaines personnes n'aiment pas ça quand on peut les voir dans ces rapprochements, tout aussi innocents peuvent-ils être. Elle s'adapte à tous. Aux timides, aux exhibitionnistes, aux personnes à l'aise, même à ceux qui n'aiment pas être aussi près d'elle durant la prise de mesure. Peu importe la décision que la brune va prendre, elle va la suivre. Elle ne pourra pas prendre ses différentes tailles si cette dernière ne collabore pas car la couturière en fait à sa tête et ne la respecte pas. Elle serait la première à faire sa difficile si une situation de ce genre lui arriverait. – Tu veux faire quoi ? lui demande-t-elle, quelque instant plus tard, ce qu'il lui faut pour tout calculer entre les mains.

Elle ne sait pas si la robe sera prête d’ici la semaine suivante. Tu hausses les épaules. De toutes façons, les prochaines semaines s’annonçaient plutôt chargées. Les allées et venues entre Brynjolf et Ibaï prenaient plusieurs jours. Parce que ces voyages étaient risqués. Les routes étaient risquées. Pas seulement à cause des brigands, mais aussi à cause des soldats. Tu ne pouvais risquer les contrôles de tatouages. Tu devais être discrète. Donc même dans l’éventualité où tu ne reviendrais pas à Ibaï avant plusieurs semaines, ça ne te dérangerait pas trop.

Tu devais d’abord regagner le village pour continuer tes enquêtes avant de retrouver ton maître à Lucrezia à l’occasion de la fête des dieux. Il voudrait une réponse à ses questions, ce jour-là. Il voudrait connaître ta décision. Il ne laisserait pas une de ses meilleures chasseuses de primes dans le nord à se tourner les pouces s’il pouvait plutôt la garder auprès de lui dans la capitale seznienne. Tu y avais longuement songé depuis votre dernière rencontre dans l’auberge de Dahud. C’était difficile de même songer à baisser les bras. Ça n’était pas dans tes habitudes. Tu entendais déjà les railleries de Nadian, ton partenaire de chasse à l’homme, lorsqu’il apprendrait que tu avais admis à ton maître que tu ne te sentais pas apte à terminer la mission qu’il t’avait confiée... Ce serait une première. Chaque fois que tu y pensais, les poils se dressaient sur tes bras tant la colère te submergeait intensément. Et même si tu savais courir vers une mort certaine si tu poursuivais ta mission, tu hésitais encore. Pourquoi ton maître n’avait-il pas confié cette mission à un de ses fidèles qui maîtrisaient l’Eau ? Tu aurais pu le surveiller, faire des rapports réguliers sans nécessairement mettre ta vie ou l’intégrité de Ramose en danger.

Depuis ton retour à Vainui, tu n’avais de cesse de songer à cette époque où tu n’étais fidèle à personne d’autres qu’à toi-même. Bien sûr, il y avait eu les années passées auprès de Lilo, juste après la fin de ton entraînement dans les camps d’Inaki. Le maquignon t’avait permis d’affiner tes talents, de devenir une parfaite chasseresse. Puis il avait décidé de retourner auprès de sa famille et avait engrossé son épouse Casto à de nombreuses reprises avant que celle-ci ne finisse par le quitter. Et pendant les sept années qui avaient séparé le moment où Lilo Naslor s’était assagi et le moment où tu avais juré allégeance à Sven Ramose, tu avais pu choisir tes contrats, tu avais été la seule maîtresse de toi-même... une des rares femmes seules à vivre dans la capitale. On te croyait veuve d’un riche marchand. Tu vivais dans une jolie maison où tu avais quelques domestiques. Tu refusais rarement les contrats qu’on t’offrait. Sauf qu’il y avait une grande différence entre chasser les Exempts pour les ramener aux marchands d’esclaves ou même tuer une famille de nobles toute entière pour garnir tes coffres et cette mission que le maître t’avait confiée : assassiner une princesse étrangère en mettant le meurtre sur le dos du peuple de la Terre... À Dahud et Inaki, tu connaissais tes repères, tu n’avais pas à cacher que tu étais une enfant du Feu... À Vainui, ta vie était constamment menacée. Le maquillage qui enduisait ton bras droit pour cacher l’entrelacs de ta marque rougeâtre ne te protégeait en rien. Ce petit tatouage dont on avait marqué ton bras gauche, il ne te protégeait pas. Parce que tu ne pourrais rien faire si on te demandait de démontrer ton don. Le plan de ton maître, c’était carrément du suicide.

La couturière poursuit : « Ça dépend d’à quel point tes vêtements sont moulants et d’à quel point tu es pudique, » qu’elle te dit. Encore une fois, tu hausses les épaules. Tu avais marché, coupant à travers les terres pour te rendre jusqu’à la ville. Ton pantalon était moulant, mais ta chemise était plutôt ample. Sans gêne, tu retires ton veston, puis ta chemise, ne conservant qu’un corsage qui en cache bien peu. « Dans ce cas, j’attendrai encore plusieurs semaines avant de revenir. Mon époux et moi serons à Lucrezia à l’occasion de la fête pour honorer les dieux. Je pourrai passer à mon retour pour voir où tu en es. » Tu lui adresses un sourire, levant les bras en croix pour qu’elle puisse prendre ses mesures.

Quand la robe va être prête n'est pas important pour Astéria qui ne fait que hausser les épaules. Tant mieux pour elle alors, elle préfère lorsqu'elle n'a pas toujours les clients sur le dos qui demandent un peu trop souvent des nouvelles... ce qui ne ne lui donne pas du tout envie de continuer. Enfin, pas tout le temps. Il y a une différence entre prendre des nouvelles et harceler. Jusqu'ici, Marigold ne pense pas avoir déjà trop pris de temps pour concevoir ou arranger un vêtement, linge, rideaux ou n'importe quoi d'autres qu'elle a pu avoir entre les mains. Bien que cela l'arrange, elle trouve cela contradictoire d'avec comment Astéria a regardé le dessin et parlé de la robe. Peut-être qu'à présent qu'elle sait qu'elle va être à elle, elle n'a aucune raison d'être pressée. L'Eau n'en sait rien, et elle ne va pas poser de questions à ce sujet. Son travail, c'est de faire la robe, non pas de juger la jeune femme ou encore de comprendre ses motivations.

Bref, c'est à présent le moment de prendre les mensurations de la brune afin de pouvoir confectionner la robe choisie. Brune qui n'est pas très pudique puisqu'elle enlève sa chemise sans sourciller, sans s'inquiéter de toutes nouvelles personnes pouvant entrer à n'importe quel moment. Ce n'est toujours pas arrivé depuis qu'elle est là, mais cela pourrait arriver, elle l'espère... pour elle. Pas pour que tout le monde puisse voir la jeune femme comme ça. Bien qu'elle n'aurait aucune honte si cela arrivait. Elle répond ensuite à quand elle pourrait venir chercher le vêtement terminé. Dans quelques semaines. Ce qui lui laisse amplement le temps de le terminer. – Parfait. dit-elle. Tout en se disant qu'elle va peut-être aller faire un tour à Lucrezia pour cette fête. – J'ai besoin d'une adresse si tu viens pas la chercher, ou bien je peux t'envoyer un message pour dire quand elle est terminée. C'est aussi pour éviter de se faire jouer un mauvais tour. Elle semble être fiable, mais on ne sait jamais. Elle peut avoir tendance à avoir la tête en l'air. Elle commence ensuite à prendre les mesures de la jeune femme, qui a mis les bras dans les airs, faisant attention de ne pas la toucher là où il ne faut pas. Il ne faudrait surtout pas qu'elle ait une réputation de mains baladeuses, ça ne serait pas très bon pour elle. Ou bien il n'y aurait que des hommes qui viendraient et elle en déciderait peut-être pas d'avec qui elle voudrait se rapprocher.

La longueur des bras, leurs grosseurs, la grandeur totale, celle de l'épaule à ses pieds, son tour de taille et de hanche, indication d'où est sa poitrine, ainsi que son tour de poitrine, Quelques minutes plus tard, elle a terminé. Elle se penche pour ramasser la chemise ainsi que le veston. – Tu es libre. dit-elle. Elle ne sait pas si pour Astéria cela a été une torture de se faire mesurer ainsi ou encore de se faire toucher comme ça, et d'être aussi près de quelqu'un d'autre, mais on lui a souvent dit que ce n'était pas agréable pour l'une des ses raisons ou encore elle a souvent entendu des soupirs de soulagement. Elle a donc décidé de mettre cela en blague, ça ne fonctionne pas tout le temps... au moins, elle essaie.

Elle relève un sourcil en te voyant te dévêtir sans pudeur au milieu de sa boutique aux larges fenêtres. Et tu sais qu’elle sait que quelqu’un pourrait entrer à tout moment. Mais ça ne te dérange pas vraiment. Tu ne te déshabilles pas au milieu d’une taverne, tu retires quelques vêtements dans la boutique d’une couturière pour lui permettre de prendre ses mesures adéquatement. Beaucoup de femmes le faisaient à Lucrezia et même à Inaki.

Ton esprit file à toute allure lorsqu’elle indique qu’elle aura besoin d’une adresse pour t’envoyer un message une fois que le vêtement sera terminé. Comment est-ce qu’elle s’appelle, cette auberge, déjà ? Tu ne t’en souviens plus… Tu n’as jamais vraiment prêté attention à l’enseigne suspendue devant l’établissement depuis que tu t’y es installée. Tu t’y étais rendue de mémoire, après ce soir où Lachlan t’y avait entraînée pour fuir les soldats qui avaient débarqué à l’arène où se déroulaient les combats clandestins. Tu n’étais pas très sûre s’il s’agissait d’une descente pour interrompre les activités illégales entre les combattants ou bien s’il s’agissait d’un contrôle de tatouages, mais tu l’avais échappé belle.

En y songeant plusieurs jours plus tard, tu te demandais si le géant roux avait quelque chose à cacher comme toi. Il avait été bien pressé de fausser compagnie à ces soldats, ce soir-là. Toi, avec tes deux tatouages – le vrai, rouge et vermeil qui grimpait lentement sur ton avant-bras, ton coude et ton bras depuis tes quinze ans, et le faux, bleuté et discret sur ton avant-bras droit –, tu avais toutes les raisons du monde de te cacher des autorités. Parce que le véritable tatouage avait beau être dissimulé sous une épaisse couche de maquillage, s’ils venaient à le déceler quand même, tu allais vers une mort certaine. Comment prouver que le tatouage bleu était faux ? Il semblait si réaliste… Et les anomalies, ces gens trop puissants, trop dangereux, on les éliminait. Sans aucune forme de procès. Ainsi allait le monde.

« J’habite une auberge à Brynjolf. J’ai du mal à me rappeler le nom de l’endroit… ça appartient à Aishwarya Ricven. Si tu veux, je t’enverrai tout ça par messager lorsque j’y retournerai, ce sera plus facile comme ça. » Tu lui laisses quelques minutes pour terminer de prendre ses mesures. Tu as l’impression que la proximité l’indispose, mais tu ne pipes pas mot. Tu sais que certaines clientes doivent se sentir mal à l’aise qu’une femme s’approche d’elles d’une telle façon. Pas toi. « Tu es libre, » qu’elle déclare d’un ton taquin, ce qui te confirme ce que tu croyais sur ses clientes habituelles. Lui adressant un sourire, tu rattrapes ta chemise que tu passes sans te presser. « Et comme je sais que tu pourrais être réticente à me laisse prendre mes jambes à mon cou et de préparer cette robe sans garantie, laisse-moi te payer au moins pour le tissus et tout ça. Je réglerai le reste plus tard, quand je viendrai récupérer la robe. » Terminant d’attacher ton chemisier, tu enfonces ta main dans une des poches de ton manteau pour attraper une bourse bien remplie de Pwensharas. C’est ironique pour toi d’en garder autant alors que tu les dépenses si rarement. Tu as toujours aimé le son des pièces dans tes poches. Le cliquetis du métal qui s’entrechoque discrètement dans ta bourse au rythme de tes pas t’avait toujours donné une assurance sans pareille.

Marigold est loin de se douter qu'elle a provoqué, durant presque tout le temps qu'elles ont passé ensemble, des torrents de réflexion chez Astéria. Ce n'est pas toujours facile avoir une double-vie, de faire en sorte que tout se tienne en cas de besoin, de se souvenir de ce qui a été dit d'une fois à l'autre afin que le tout soit logique et que rien ne soit oublié ou modifié. La jeune femme lui indique où ell habite, bien qu'elle ne se souvient pas du nom. Elle trouve cela étrange, mais elle ne dit rien, sachant où c'est. – Je connais. Elle y a déjà passé un peu de temps. Puis bon, qu'elle ne connaisse pas un endroit en particulier à Vainui serait étrange. Elle a été un peu partout, trouvant les frontières trop petites, bien que celles des Eau soient assez grosses face à d'autres. Elle est bien contente que Dahud existe, cela permet d'élargir un peu ses horizons. Bref, elle termine de prendre les mesures de la brune, qui se met à se rhabiller, lentement. Elle fait partie de ses personnes à l'aise, ça fait un peu changement. Elle se met à la devancer ce qu'elle comptait dire par la suite. – Très bien. Elle lui aurait demandé de toute façon. C'est un peu la base. Il y a toujours remboursement si la personne change d'idée avant que cela soit commencé, ensuite, tout dépend de l'avancement. Elle prend les Pwensharas que lui tend Astéria et se dirige ensuite vers le comptoir de la boutique pour y noter le nom, où la rejoindre et ce qu'elle a donné pour ne pas la surcharger la prochaine fois.

Elle reporte ensuite son attention vers la cliente, pour continuer de lui préciser certaines choses. Elle préfère toujours être la plus claire possible, cela évite des mécontentements. Bon, il y a toujours des personnes mécontentes peu importe à quel point elle a pu expliquer et à quel point elle a essayé d'être diplomate, mais on ne peut pas satisfaire tout le monde. – Si tu changes d'idée alors que c'est commencé, tu ne seras pas remboursée intégralement. l'avertit-elle. Elle semble être attachée à la robe, mais elle a déjà vu cela se produire. Un coup de cœur, et, après avoir réfléchi ou bien après en avoir parlé à quelqu'un, ce n'est pas une bonne idée, ou que les moyens ne sont pas là au final. – Il y a autre chose ? lui demande-t-elle. Si ce n'est pas le cas, elle n'a aucune autre raison de la retenir plus longtemps.

Tu acquiesce lorsqu’elle t’informe que si tu changes d’idée, tu ne seras pas remboursée intégralement. Tu comprends parfaitement. Personne ne travaille gratuitement. Celui ou celle qui prendrait un tel projet en main sans demander de dépôt serait bien stupide. La demoiselle te demande ensuite s’il y a autre chose. En souriant distraitement, tu secoues la tête, fourrant la bourse encore bien gonflée dans la poche de ton manteau. « Non. Tout me semble bon. » T’assurant que le lacet qui retient ta crinière est toujours bien attaché, tu termines de repasser tes vêtements, puis tu enfiles ton manteau avant de déclarer : « Je te remercie pour ton temps. Sur ce, je te laisse à tes occupations. Passe une belle journée ! » Échangeant un dernier regard avec la couturière, tu sors de la boutique, la cloche tintant doucement derrière toi alors que tu débouches sur la rue passante. Finalement, tu as recueilli bien peu d’informations sur la princesse lors de cet entretien avec l’artisane. Mais ça n’est que partie remise. Peut-être que tu n’avais pas approché la couturière de Lucrezia comme il se devait. Tu n’avais pas suffisamment essayé de gagner sa confiance. Tu avais agi étrangement et elle en avait été suspicieuse. Cette première rencontre avec Marigold Osren s’était bien déroulée et tu avais l’impression d’avoir fait une plutôt bonne impression. Tu n’avais pas élevé les soupçons.

Ainsi, tu repartis dans les rues d’Ibaï, observant l’immense château qui se dressait au loin, là où ta cible écoulait des jours heureux en compagnie de sa famille et ses dames de compagnie. On te l’avait décrite à maintes reprises cette fameuse princesse du nord avec sa longue chevelure presque blanche comme la neige, sa peau de porcelaine et ses grands yeux saphir. Le peuple de Vainui était attaché à son héritière de la même façon qu’il était attaché à sa déesse. Il était même surprenant de voir qu’autant peu de gens ne remette en question l’autorité de la famille Drogon alors que les leurs régnaient sur le nord depuis des centaines d’années, héritant le titre de roi et de reines de père en fils sans jamais devoir se battre pour le mériter.

Chez toi, l’appellation que l’on employait pour Sven différait selon les individus à qui on s’adressait Contrairement au reste d’Oranda qui le qualifiait de tyran, d’usurpateur ou de dictateur, le peuple de Sezni qualifiait Sven comme leur souverain, leur maître, leur général. À tes yeux, Sven était un roi qui avait mérité son titre. Il ne l’avait pas hérité de son père simplement parce qu’il était né pour devenir roi. Non... il avait tout fait pour arriver là où il en était aujourd’hui et il ne prenait pas sa position pour acquise. C’était ce qui faisait de lui un dirigeant fort et avisé...

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