+ Quelle est ta région d'origine ? Y es-tu encore ?
Que vous dire... Je suis né à Dahud, au sein d'une famille aussi aimante qu'il est possible de l'être, et y ai toujours vécu. J'ai expérimenté les chagrins, ai connu joies et peines, ai découvert le charme féminin, ai testé mon pouvoir de séduction. Je ne connais rien d'autre et n'éprouve pas l'envie de découvrir d'autres horizons. Je considère ma ville assez riche en rebondissements et ça me suffit amplement. Je ne suis pas un aventurier. Je suis jeune, j'ai l'avenir devant moi, j'ai un emploi gratifiant, une famille aimante et soudée. J'ai tout ce qu'il me faut ici, que demander de plus ?
+ Parle-moi de ta famille, et de ton lien avec elle.
Comme je l'ai dit au-dessus, je suis très proche de ma famille et ne me vois pas sans elle. Nous sommes soudés et complices au-delà du possible. Si je devais décrire notre relation, ce serait presque comme les doigts d'une main. Je dis presque parce que j'aime avoir un peu d'indépendance, ne pas tout le temps être collé à elle. Chacun a besoin d'avoir son jardin secret, ne pas tout dire à tout le monde. Sauf que là... je n'ai presque plus d'intimité. Fâcheux, n'est-ce pas ?
+ Si tu pouvais aller dans une autre région d'Oranda, où irais-tu et pourquoi ?
Très bonne question. Je crois que je m'installerais dans la région de Gorka, la région de tous ceux qui ont un don terrestre. J'aime les récits sur cette région verdoyante, aux lieux tous plus beaux les uns que les autres, avec de la nourriture à profusion. J'ai beau être réservé, constater le côté chaleureux de ses habitants m'emplit de joie et de bien-être. Là-bas, les habitants ne sont pas froids et on peut être sûr d'être toujours très bien accueilli. C'est la seule où je pourrais me sentir chez moi, en dehors de Dahud. Je pense avoir assez bien exprimé ce que je ressentais face à cette épineuse question... n'est-il pas ?
+ Quel est l'élément que tu haïs au plus au point ? Pourquoi ?
Je ne hais aucun élément. Je crains juste le feu plus que de raison. J'ai toujours été effrayé par l'élément feu, une phobie irraisonnée qui m'empêche de m'approcher de cet élément, au point de ne pas pouvoir profiter du bon feu de cheminée lorsque l'hiver arrive. C'est malheureux mais c'est comme ça. Qui peut dire où se situe l'origine d'une phobie ? Personne. De toute façon, tout le monde se révèle être effrayé par un élément au point de le haïr au cours de sa vie. Certains auront peur de se noyer, donc de l'eau, d'autres auront peur de se crasher, donc de l'air etc etc... Aucun élément n'est meilleur ou pire qu'un autre, ça dépend juste de l'interprétation qu'on en fait ou de la situation qu'on a vécu. Je ne peux pourtant parler pour personne. Chaque individu a son histoire et son propre vécu. Un vécu qui le distinguera d'un autre par tout un tas de paramètres.
+ As-tu un secret ? Un secret dont personne ne devrait en entendre parler ?
Soyons logiques. Si je vous en parle, ce ne sera plus un secret. Soyez clémente, ma dame, et laissez-moi le garder jalousement. En dire trop casserait tout le charme de l'entretien et je sais que vous êtes sensible au charme. D'ailleurs, qu'est-ce que le charme ? Pour moi, c'est un ensemble. La beauté seule ne suffit pas. Il me faut le « petit plus » qui fait que je vais être sensible ou non au charme féminin. A ce propos, j'aimerais bien avoir votre opinion sur le sujet.
+ Quel est ton rôle au sein de ta région ?
Mon rôle au sein de ma région... Notez, ma dame, que je fais partie de la famille qui représente Gorka au sein de Dahud. Je ne fais certes pas de la branche majeure mais quand même... Je me dois d'être présent.
+ Si tu devais assister à une mise à mort injuste qui mettrait en danger un innocent, que ferais-tu ?
Là, je dois bien avouer que vous me posez une colle. Je ne sais absolument pas comment je pourrais réagir. Franchement, ça dépend de pleins de facteurs, s'il y a du monde, si je peux sauver l'innocent, si je ne risque pas de mourir en voulant l'aider... Même si je me considère comme assez altruiste, certaines situations sont hors de portée. Je ne pourrais savoir qu'en vivant l'évènement.
+ Que penses-tu de la séparation entre les éléments ? Crois-tu que cela est normal, ou contre-nature ?
C'est la deuxième fois que vous me posez une colle ! Il faut croire que c'est une habitude chez vous. Je vais finir par penser que vous ne m'aimez pas. Enfin... Non, en vérité, je ne sais pas quoi dire là-dessus. Normal, contre-nature, quelle importance au fond ? Je ne pense pas qu'on puisse changer ça concrètement. A moins de trouver un système où tout le monde soit en mesure de vivre ensemble, chaque région gardera son propre élément. De plus, je ne suis pas qualifié pour ce genre de choses. Je ne suis issu que d'une branche mineure, ne l'oubliez pas.
+ Crois-tu en l'existence de l'élément Matière ?
L'élément Matière... Un élément bien rare, à ce qu'on raconte. Qui pourrait presque devenir une légende, à mon sens. J'imagine que les personnes ayant cet élement ne vont pas s'amuser à le crier sous tous les toits. En ce qui me concerne, oui, j'y crois. J'aime ce qui est rare et précieux, dans un sens. Les choses qui sortent de l'ordinaire, aussi. Qui peut savoir si je ne connais pas, moi-même, une personne dotée de cet élément... ? Mais chut ! C'est un secret.
+ Si tu devais défendre quelque chose, une idée, un concept, une valeur ? Et si tu devais t'opposer à quelque chose ?
Très honnêtement, si je devais défendre quelque chose, ce serait sans aucun doute la justice. Une justice exempte de toute corruption, aussi pure – dans son honnêteté – que le cristal. Brillance et transparence sont les principales qualités que je vois en la justice. Une justice responsable et autonome, également, qu'on ne soit pas à courir derrière pour obtenir des résultats concrets. Une justice en faveur des habitants, enfin, afin qu'ils ne se sentent pas moins privilégiés que d'autres. En ce moment, je n'ai pas réellement d'idées pour améliorer le quotidien de qui que ce soit mais je vais tâcher d'y réfléchir. Même chose pour le concept. Ah, les valeurs... je dois bien avouer que j'en ai un certain nombre. Cependant, et je vous prie de m'en excuser, impossible pour moi de vous les dévoiler. Cela prendrait trop de temps et je suis relativement pressé. Une autre fois, peut-être, ma dame ?
+ Si tu devais me raconter un événement du passé...
C'est complexe ce que vous me demandez là. Il y a eu tellement de bons souvenirs que je ne pourrais en sélectionner aucun. Ils sont tous précieux à mes yeux, vous comprenez ? Chaque moment passé en comité restreint, chaque séjour à Gorka en famille, où je peux retrouver des personnes chères à mon cœur, que je n'ai pas vu depuis parfois quelques mois, je le chéris. Parce que le bonheur, ma dame, peut s'éteindre à tout moment, comme la flamme d'une bougie. Une bougie qu'on soufflerait doucement, pour sombrer doucement, comme on sombre dans nos rêves, dans le malheur. Il suffit d'un instant, d'une seconde, pour que tout bascule... Combien de vies se sont dissoutes de cette manière ? Ah, je vois bien, ma dame, à cette lueur dans votre regard, que vous-même en avez souffert plus que vous ne pouvez le supporter. Chérissez les personnes qui vous sont chères, ma dame, avant de ne pouvoir les serrer dans vos bras, savourez les rires des jeunes enfants qui vous entourent avant que le silence ne les reprenne, profitez de l'amour qu'on vous offre, qu'on vous témoigne avant de n'avoir que vos yeux pour pleurer. Non, ne pleurez pas...
Moi, vous savez, si je devais résumer ma vie aujourd'hui, je dirais qu'avant tout, ce sont des rencontres, des gens, proches ou moins proches, qui m'ont tendu la main à un moment où j'allais mal, où je ne pouvais pas, où j'étais seul chez moi. Et, de vous à moi, c'est assez curieux de se dire que les hasards, les rencontres forgent une destinée. Parce que quand on a le goût de la chose, quand on a le goût de la chose bien faite, le beau geste, parfois on ne trouve pas l'interlocuteur en face, je dirais le miroir qui vous aide à avancer. Alors, ce n'est pas mon cas, comme je disais, puisque moi, au contraire, j'ai pu ; et je dis merci à la vie, je lui dis merci, je chante la vie, je danse la vie, je ne suis qu'amour. Et, finalement, quand beaucoup de gens, aujourd'hui, me disent « Mais comment fais-tu pour avoir cette humanité ? », eh bien, je réponds très simplement, je leur dis « C'est ce goût de l'amour », ce goût, donc, qui m'a poussé à devenir soigneur, à me mettre, tout simplement, au service de la communauté, à faire le don, le don de soi.
+ Une dernière chose...
Dressez vous sans relâche jusqu'à ce que les agneaux deviennent des lions.